Terrain d'aventure : aux enfants de jouer !

Une fumée s'échappe d'un parc, à la limite des quartiers du Blosne, de Sud-Gare et de la Pommeraie ? C'est le signal de ralliement au jardin Gérard-Philipe, où ouvre pour la première fois le terrain d'aventure d'hiver. Ce mercredi de novembre, une vingtaine d'enfants sont au rendez-vous, aimantés par un vrai feu de camp. « Le goûter, c'est après avoir tout rangé », « Ne pas faire de mal aux autres, avec les gestes ou les mots »... une fois les règles rappelées, les animatrices et bénévoles s'effacent pour laisser place au jeu libre.

Ruée vers le container. Un véritable coffre à jouets XXL où les enfants s'emparent de toutes sortes d'objets de seconde main, récupérés en ressourcerie et par des appels à dons. Abdullah saisit une longue corde et grimpe aussitôt dans le pin parasol. « Tu sais faire des nœuds en huit ? J'ai appris ça à l'escalade », explique l'adolescent, démonstration à l'appui. En dessous, des enfants empoignent scie et marteau, et improvisent du bricolage. Ça tombe bien, Bilal arrive au terrain en traînant un meuble fatigué. « On leur a fait passer un permis outil, ils ont conscience du danger. Ils apprennent à gérer eux-mêmes leur sécurité, ça les responsabilise », observe Morgane Cardineaud, coordinatrice.

Le jeu libre, défendu par l'association L'Allumette, consiste à laisser les enfants décider eux-mêmes de leurs jeux, en présence d'un minimum d'adultes. Sur le terrain d'aventure, à eux d'essayer, de se tromper et d'expérimenter. « On est dans un rapport plus égalitaire avec les enfants. Ils sont libres de créer, de se sentir en sécurité. C'est une chance pour eux de pouvoir éprouver leurs limites, prendre confiance et se valoriser. Cela participe à leur développement. » En cas de pluie, une bâche est prête à être déployée et, si besoin, un repli au pôle associatif Fernand-Jacq voisin est toujours possible.

L'Allumette a ouvert son premier terrain d'aventure au parc Marc-Sangnier, il y a trois ans. Un lieu bien connu des enfants où ils construisent des cabanes, en toute autonomie. Victime de son succès, avec plus de 4 000 passages à l'année, l'association a dû envisager un autre espace pour ne pas trop abîmer le sol, d'où l'alternance au changement de saison. Ces terrains sont mis à disposition de l'association par la Ville, dans le cadre d'un partenariat.

Sur les 270 m² du jardin Gérard-Philipe, les idées et les expériences fusent. Des garçons transforment un long tuyau en téléphone, un groupe prépare une soupe « à la terre et aux herbes » au-dessus du feu tandis que des copines customisent une boîte aux lettres. Peindre dehors, sous le soleil frais de l'hiver, en bottes et manteau, en ravit plus d'une et d'un. Les membres de l'association envisagent de cuire une pâte à pain et de faire réchauffer un lait au chocolat sur le feu de bois pour le goûter. Soudain, le bruit de percussions vient couvrir les cris et les rires. Des enfants tapent en rythme, avec des bâtons sur des caisses en plastique. « On devrait mettre une banderole à l'entrée du terrain : Faut que ça vive !" », sourit Charlotte, en service civique à l'Allumette. « C'est une mission d'intérêt public, puissance mille, abonde Dorian, bénévole. J'ai grandi en campagne, on traînait dehors comme on voulait. C'est trop bien que les enfants puissent sortir et se rencontrer ici. »

Un constat partagé par Nicolas, père de Côme et Gabin, 5 et 10 ans, venus du quartier Sainte-Thérèse explorer le nouveau lieu. « Nous avons découvert le principe du terrain d'aventure l'été dernier au parc Sangnier. C'est un grand espace de liberté pour les enfants car on les guide tout le temps au quotidien. Au début, je m'inquiétais un peu pour la sécurité mais à voir faire les autres enfants, ça me rassure. » En trois ans d'activité, Morgane rapporte une seule chute et assure que « le jeu libre provoque moins d'accidents que dans les cours d'écoles ». Présente à côté des enfants, elle n'intervient que si nécessaire : « Non, on ne brûle pas de plastique dans le feu ! »

L'Allumette défend aussi la pédagogie du risque et une culture du dehors plus poussée, à l'image des quarante terrains d'aventure que compte Hambourg, en Allemagne. Les membres de l'association dispensent des formations sur les jeux libres et risqués auprès des animateurs du territoire, comme le Groupe rennais de pédagogie et d'animation (GRPAS), à Maurepas et Villejean. Ce dernier a ainsi mis en place des zones d'expérimentation temporaire. C'est l'heure du goûter au terrain d'aventure.

Avant de se quitter, les enfants savourent ensemble des viennoiseries offertes régulièrement par la boulangerie Maison Fontaine.