Podcast : « Histoires effrayantes de Rennes »

De rumeurs dignes d’un film d’horreur en légendes étranges, Rennes fut de tout temps hantée par des créatures que vous n’aimeriez pas rencontrer la nuit au détour d’une ruelle mal éclairée. 

Actualités
Gravure de la ville de Rennes qui représente une vue du calvaire, en arrière plan la cathédrale.
Podcast "Histoires effrayantes de Rennes"

Bonjour, c'est Morgane Soularue. De rumeurs dignes d'un film d'horreur en légendes étranges, Rennes fut de tout temps hantée par des créatures que vous n'aimeriez pas rencontrer la nuit au détour d'une ruelle mal éclairée. Dans ce nouvel épisode de Raconte-moi Rennes, je vous propose de découvrir quelques légendes locales à vous glacer le sang. Vous croiserez un sorcier, un zombie, un loup-garou, sans oublier quelques gentils lutins. Chair de poule garantie...   Déroulons sans plus attendre le livre noir des histoires rennaises. Peu importe que les faits soient avérés ou non, les légendes dont je vais vous parler sont bel et bien réelles, et elles empêchaient autrefois les Rennais crédules de dormir sur leurs deux oreilles.   Pour la toute première, remontons en 1642... Mathurin Trullier est un abbé fougerais de 34 ans qui a bel et bien existé. Il ne va pas tarder à défrayer la chronique, non sans avoir au préalable effrayé ses contemporains. On dit que le jeune homme préfère le grimoire de la magie noire au livre saint. On raconte aussi que le passionné de physique-chimie passe ses nuits à chercher la pierre philosophale, qui lui permettra de changer le plomb en or. Les preuves que Mathurin Trullier a pactisé avec le diable s'enfilent tels les grains d'un chapelet, enflées par la rumeur et relayées par les mauvaises langues toujours promptes à se délier. Les manifestations diaboliques en question ? Le soir de Noël, au cœur de l'hiver, l'abbé aurait servi à ses convives des cerises rouges de plaisir ramassées dans l'arbre de son jardin. Diablerie ! Il aurait aussi fait pleuvoir de l'encre sur des dames trop coquettes à son goût. Pour finir, le Fougerais et un ami auraient parcouru en volant (rien que ça), les 50 kilomètres séparant Rennes de Fougères afin d'assister à l'office de Saint-Melaine. La foi donne des ailes. Ce mode de co-voiturage pour le moins original va lui être fatal. Mathurin Trullier est arrêté et son appartement perquisitionné : des documents griffonnés de signes étranges sont saisis et un médecin se met en quête de déceler la marque du démon sur le corps de l'accusé... Le verdict est sans appel : « La cour déclare le dit Trullier, prêtre, atteint et convaincu du crime de lèse-majesté divine, d'avoir usé d'arts magiques, de sortilèges, abusé de son caractère de prêtrise pour l'exécution de ses maléfices. » Le prêtre est brûlé sur le bûcher, place des Lices, le 19 janvier 1643.   À peine remises de ce sombre récit de sorcier, vos oreilles d'auditeur auront peut-être du mal à avaler l'histoire de zombie et de cadavre exquis qui va suivre. Nous sommes à l'aube du 19e siècle, dans les travées de l'hôpital Saint-Yves. Une religieuse fait comme chaque matin la tournée des lits et constate que le corps d'un ouvrier, arrivé quelques jours plus tôt, est tout ce qu'il y a de plus raide. Le cadavre du pauvre diable est alors acheminé en corbillard au cimetière de La Paillette, rue de Polieux, puis jeté dans une fosse commune parmi les autres indigents. L'histoire devrait s'arrêter là, mais il faut croire que notre ouvrier n'est pas plus pressé de redevenir poussière que de reposer en paix. À la nuit tombée, le mort-vivant a la mauvaise surprise de se réveiller au milieu des cadavres enchevêtrés, éclairé par la lumière blafarde de la lune, et surpris par le ballet des insectes nécrophages. Le repos éternel étant remis à plus tard, l'ancien pensionnaire de la dernière demeure parvient à ramper, à moitié nu et encore malade, jusqu'à son domicile de la rue Nantaise. Au même moment, son épouse à peine veuve cherche en vain le sommeil au milieu de ses tourments. Il n'est pas difficile d'imaginer sa réaction quand elle tombe nez à nez avec le fantôme de son mari frappant à la porte. D'abord l'incrédulité, puis la peur panique, et enfin la joie d'avoir retrouvé son mari, ectoplasme ou non. Les voisins viennent en nombre pour attester le miracle, et l'ouvrier revenu à la vie gagne le surnom de baptême de Père la Paillette. Il faut croire qu'un petit bain de terre est parfois riche de vertus miraculeuses, puisque l'ancien mort vivra encore quarante ans avant de retourner (pour de bon cette fois) six pieds sous terre.   Voici maintenant une histoire d'animaux fantastiques à faire pâlir Jabba le Hutt de jalousie et à ravir les inconditionnels de Norbert Dragonneau. Redescendons le cours du temps jusqu'au 13e siècle et plongeons dans les eaux troubles de la Vilaine, au niveau de l'actuel jardin de la Confluence. Plusieurs siècles avant la célèbre fable de La Fontaine, un crapaud trois fois plus gros qu'une vache et trois fois plus forte qu'un bœuf y aurait semé la terreur. La légende raconte que son dos luisait d'un venin mortel et que le monstre vert aux palmes fatales dévorait tous ceux qui se trouvaient dans les parages. Réel ou non, le crapaud diabolique vient en tout cas contrarier le projet de canal entre Rennes et Saint-Malo de Louis IX, le roi de l'époque. Mais pas question de renoncer : en guise de talisman contre le monstre, le souverain fait ériger un calvaire non loin des marais, à l'endroit exact de l'actuelle croix de la Mission, square Hyacinthe Lorette. Un répulsif pour le moins efficace, puisqu'on ne revit plus jamais l'ombre menaçante du géant vert.   Et ce serpent géant sifflant au-dessus de nos têtes, pour qui est-il ? Pour les Rennais qui vivaient au 11e siècle. Ce reptile habitait, disait-on, au fond d'un gouffre et renversait tout sur son passage en allant se désaltérer dans la Vilaine. Le basilic maléfique aurait régné longtemps si un chevalier sans peur n'était passé par là pour le faire trépasser, avant de repartir humblement en taisant son exploit héroïque. Persuadés que leur sauveur n'est autre que Saint-Georges, l'ennemi des dragons, les Rennais édifient une abbaye à l'endroit où l'hydre monstrueux a été terrassé. Un bâtiment détruit en 1820, et remplacé par l'actuel palais Saint-Georges.   Un sorcier, un zombie, des animaux monstrueux... et pourquoi pas un château hanté pendant qu'on y est ! C'est précisément le sujet de cette nouvelle légende. Direction la rue de Fougères, à l'endroit où se dressait jadis le château de Maurepas, remplacé par un immeuble en 1967. Nous sommes au 17e siècle et le rituel est aussi immuable que la course des aiguilles d'une horloge. Chaque jour à minuit pile, des fantômes quittent leurs tombes pour aller roder du côté des prairies Saint-Martin ou aux abords du vieux Saint-Étienne. Parmi ces spectres respectables, on aperçoit notamment un homme sans tête et une dame blanche aux longs sanglots. Cette dernière aurait été déclarée morte avant de se réveiller en jurant avoir fait connaissance avec la faucheuse.   Les poils se dressent sur votre peau ? Cela devrait être encore plus le cas avec ce sombre récit de loup-garou. Nous sommes en 1825. Un cri d'effroi retentit à quelques mètres de l'église Saint-Étienne, qui était à l'époque utilisée comme magasin par l'armée. La jeune sentinelle du campement de soldats attenant JURE avoir aperçu un loup-garou. La rumeur est tenace en ce mois de décembre, et les récits à vous glacer le sang courent déjà les rues depuis quelques jours. Chaque soir a minuit, la bête se manifesterait pour semer la terreur. Le fait divers n'est d'ailleurs pas si incroyable que cela. Au 19e siècle, les loups sillonnent encore les campagnes bretonnes et les affaires de lycanthropie sont aussi fréquentes que les feux de friteuse. En 1598, une de ces créatures a d'ailleurs été jugée au Parlement de Rennes... La nuit de Noël 1825 ne déroge pas à la règle, mais c'est un vieux briscard qui monte cette fois la garde. En ce soir de pleine lune, l'homme ne se démonte pas en apercevant la sinistre silhouette. Alors que le courageux soldat charge baïonnette en avant, le vampire de pacotille a juste le temps de lâcher ces quelques mots : « Arrêtez, ne me frappez pas, je suis un homme comme vous ! » Trop tard ! En fait de loup garou, c'est un jeune garçon de bonne famille rennaise, âgé de 16 ans, qui s'amusait chaque nuit à faire peur à ses contemporains. Alors, le loup-garou, mythe ou réalité ? Peu importe finalement. En 1825, il n'est pas rare d'apercevoir des jeunes gens recouverts d'une peau de loup jouant à Halloween dans les champs voisins. Rennes se modernise quant à elle, mais n'est pas encore passée de la nuit à la lumière grâce à l'électricité. La capitale de Bretagne attendra encore un peu pour oublier les fantômes du passé, jusqu'alors tapis dans l'ombre de l'ignorance et des superstitions.   Pour finir la visite, rien de tel qu'un gentil lutin. Pour le rencontrer, rendons-nous dans les anciennes mines argentifères de Pont-Péan. Dans les entrailles de la terre, un farfadet nommé "Petit mineur" veillait sur les forçats des profondeurs. Ses supers pouvoirs ? Être capable de prédire un éboulement, de signaler les boisages pourris, ou encore de frapper des coups précipités pour prévenir tout le monde de la catastrophe imminente. Certains mineurs ont juré avoir entendu prononcer leur nom à l'approche d'un accident. Et aucun n'oubliait de consulter le copain lutin le jour de la Sainte-Barbe, pour savoir s'ils mourraient avant la fin de l'année. Comment s'y prenaient-ils ? Ils allumaient une chandelle dans la mine, en priant pour que cette dernière se consume jusqu'au bout.   Ce récit est désormais consommé, mais que les âmes d'histoires à dormir de bout se rassurent : ils peuvent prolonger le plaisir en dévorant les deux tomes des Histoires extraordinaires rennaises du journaliste Julien Joly et de sa complice Anna Le Vigouroux. Non ! Pas les auteurs ! On ne dévore que le livre !  
Histoires rennaises à dormir debout, un récit écrit par Jean-Baptiste Gandon.