Prairies Saint-Martin : poumon vert en cœur de ville

C'est un projet unique en son genre en France. Situé entre le canal d'Ille-et-Rance et un bras naturel de l'Ille, le secteur des prairies Saint-Martin devient un grand parc, véritable îlot de verdure et de fraîcheur à quelques pas du centre-ville de Rennes. 30 hectares de nature et de loisirs, ouverts à toutes et à tous. 

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Les prairies Saint-Martin, à Rennes.

Droits réservés : Julien Mignot, Rennes Ville et Métropole

Prendre l'air

Ça grouille de monde aux prairies Saint-Martin. Grand ciel bleu, le soleil tape, les peaux rougissent. Dans un recoin sauvage, on s'allonge sur l'herbe, on bronze, on bouquine. Plus loin, dans les espaces aménagés, on grille autour d'un barbecue. Ou, on s'échauffe au palet breton. On court, on pédale dans les allées. On dévale le toboggan, on grimpe sur l'aire de jeu. On cherche la fraîcheur des arbres, on hume les immortelles. On papote en famille, entre amis ou en solo. Bref, on prend l'air. Et quel air. 

Les Prairies Saint-Martin, à Rennes.

Un coin de verdure, aux prairies Saint-Martin, à Rennes. 

Droits réservés : Julien Mignot, Rennes Ville et Métropole

Les prairies Saint-Martin, c'est...

  • Un spot idéal pour les balades en famille, les marcheurs et les joggeurs
  • Une plaine festive et une plaine sportive
  • Des prairies pâturées, des espaces d'observation, des zones naturelles humides
  • Un îlot de fraîcheur

En chiffres...

  • 30ha de nature et de loisirs
  • -2°C par rapport au reste de la ville
  • 1000 arbres plantés

Tout ça, en cœur de ville. Derrière les arbres feuillus des prairies, les immeubles se dressent. Le parc est à quelques centaines de mètres de la place Saint-Anne et à deux pas de la station de métro Jules-Ferry. Assurant une liaison verte, l'intime parc des Tanneurs relie les prairies au centre-ville. 

Tout ce qu'on peut y faire

Le projet de parc aux prairies Saint-Martin vise à faciliter et multiplier des cheminements doux, pour rendre accessible cette ancienne « friche naturelle », véritable havre de détente. 

Sur les berges du canal, on trouve désormais des cheminements, des observatoires à oiseaux, des aires de pique-nique et de repos, un parvis où jouer à la pétanque et au palet, un kiosque, des gradins le long du chemin de halage, une placette... Mais également une guinguette, des agrès sportifs... 

L'étonnante butte de jeu, face au parc des Tanneurs, fait le bonheur des enfants. Elle peut, comme la « plaine festive », accueillir les promeneuses et promeneurs, ainsi que des manifestations de plein air (spectacles, animations, expositions, etc.). 

Les Prairies Saint-Martin, à Rennes.

Droits réservés : Julien Mignot, Rennes Ville et Métropole. 

La naissance d'un parc urbain

L'histoire récente des prairies Saint-Martin débute en 2010, avec l'annonce d'un projet de création d'un parc urbain sur ces terres. Soutenu par l'État dans le cadre du programme « Investissements d'avenir », le projet bénéficie d'un financement de 2,46 millions d'euros. 

Au printemps 2017, la première phase du chantier s'ouvre par les travaux de dépollution et d'aménagement écologique de la zone. En 2020, la deuxième étape prend le relais, marquée par la poursuite de l'aménagement des espaces publics et l'installation des équipements et mobiliers urbains.

De 2024 à 2026, les prairies vivent leur troisième et ultime phase de transformation. Celle-ci se concentre sur les abords du canal, avec des interventions sur la rue du canal Saint-Martin et le chemin de halage.

Carte illustrant les nouveaux aménagements des prairies Saint-Martin à Rennes.

Les nouveaux aménagements des prairies Saint-Martin à Rennes.

Droits réservés : Rennes Métropole

Une biodiversité préservée

Dans le prolongement de la COP21, les prairies Saint-Martin représentent un acte fort de la Ville de Rennes, élue « Capitale française de la biodiversité 2016 », en matière de protection de l'environnement. En effet, le parc est également un espace de préservation (comme l'illustre les nichoirs pour chauves-souris) et d'observation de la faune et de la flore. 

Par ailleurs, c'est pour réduire l'impact des aménagements sur l'environnement que les travaux ont été découpés en plusieurs phases. Avec, à long terme, la volonté de créer une mosaïque de milieux et, ainsi, un lieu plus fonctionnel et favorable à l'accueil de la biodiversité. 

Muz Yer, Wild & Raw, nichoir de Duncan Lewis Scape Architecture aux prairies Saint-Martin. Espèce envisagée : chauve-souris

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

Des zones humides protégées

Les prairies Saint-Martin sont gorgées de zones humides, dont certaines sont interdites au public. Une grande partie du site est labellisée « Espace naturel sensible » par le Département d'Ille-et-Vilaine, témoignant de sa valeur écologique. Les milieux naturels ont été aménagés pour jouer un rôle clé dans la prévention des inondations. Une prairie inondable, ou zone d'expansion de crues, participe à réguler les débordements de l'Ille et à protéger la ville. 

Une zone humide aux prairies Saint-Martin.

Droits réservés : Didier Gouray, Rennes Ville et Métropole

Le champ des oiseaux

Les prairies sont un espace plus sauvage, entouré d'observatoires pour les oiseaux (affûts). Une centaine d'espèces nichent ici. 

La Longère au 66-68 du canal Saint-Martin, bâtiment patrimonial rénové, est justement dédié à la protection de la faune. Cette maison à l'architecture typiquement rennaise abrite non seulement Basalt, un lieu culturel, mais aussi la LPO, la Ligue de protection des oiseaux et de la biodiversité. Mais pas que. 

Un rouge-gorge aux prairies Saint-Martin.

Droits réservés : Julien Mignot, Rennes Ville et Métropole

« L'Hôtel de la biodiversité » réserve 67 m² de combles à ceux qui savent voler et se faufiler. Des nichoirs ont été installés pour les martinets, des micro gîtes attendent les chauves-souris. Le faucon crécerelle a une entrée VIP. Des animations grand public sont organisées, mais seulement en extérieur pour ne pas déranger ce petit monde.

Un observatoire d'écologie urbaine du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), composé d'enseignantes et enseignants chercheurs des universités rennaises, est présent sur le parc qui fait l'objet d'un suivi naturaliste à long terme, amorcé dès les premières phases du projet.

Les scientifiques y étudient la faune et la flore, les continuités écologiques, l'évolution des paysages et du climat, en s'appuyant sur des inventaires réalisés avant les travaux d'aménagement. Une anecdote illustre ce travail de suivi :  autrefois présent dans le secteur, le Martin-pêcheur, espèce à enjeu, était absent durant le chantier. Il a depuis fait son retour ! 

Une gestion en éco-pâturage

Le parc, c'est aussi une succession de prairies pâturées par trois bœufs écossais Highland Cattle, race adaptée aux zones humides, ainsi que deux ânes du Poitou. Ponctuellement, des moutons d'Ouessant se régalent également de l'herbe des prairies. 

Un boeuf écossais aux prairies Saint-Martin.

Droits réservés : Julien Mignot, Rennes Ville et Métropole

La vie aux prairies

Pour veiller sur tout ce petit monde, une équipe de cinq techniciennes et techniciens de la Direction des jardins et de la biodiversité est installée directement aux prairies. Elle réunit des jardinières et jardiniers paysagistes, un botaniste, et même une ancienne éleveuse. 

Un jeudi de juin, à l'ombre d'un arbre, Salix et Quercus se laissent calmement brosser. Les deux ânes, habitués des soins, sont dociles. Chaque semaine, au moins une demi-journée leur est consacrée, comme au reste du petit cheptel qui contribue à l'entretien écologique des prairies.

Une technicienne de la Ville brosse un âne des prairies Saint-Martin, à Rennes.

Droits réservés : Julien Mignot, Rennes Ville et Métropole

« L'essentiel de notre travail porte sur l'entretien des espaces verts, des animaux et du mobilier urbain : l'aire de jeux, les bancs, les tables de pique-nique... », présente Bastien Robinet, responsable de l'équipe, tout en marchant vers la parcelle dans laquelle paissent les bœufs. Le tout est mené selon une gestion respectueuse de l'environnement : « Par exemple, on pratique la fauche tardive, qui permet de conserver la diversité floristique des prairies », précise le paysagiste, le regard tourné vers un lopin de terre.

Au-delà de ces missions régulières, l'équipe initie aussi des projets « pour améliorer la vie aux prairies et la biodiversité : plantations, création d'une mare, ou encore construction d'un abri pour les moutons, les nouveaux résidents du site. »

Ici, le cadre est inspirant : « On se sent privilégié de travailler aux prairies. De plus, on a une bonne relation avec les usagères et usagers, qui nous font des retours positifs sur l'aménagement du site. »

Paroles glanées

En parlant des usagères et usagers du parc, nous sommes allés à leur rencontre. Au fil des allées vertes, nous avons glané leurs témoignages. 

« Au milieu des années 1980, j'habitais l'un des immeubles qui donnent sur les prairies Saint-Martin. À l'époque, l'accès au site était aventureux. Aujourd'hui, je suis agréablement surpris de voir que le parc est devenu plus accessible, avec des chemins tracés et fléchés. »

Christianhabitant de Rennes, 65 ans

« Je viens régulièrement ici pour courir, me balader ou retrouver des amis autour d'un apéro... Profiter de la vie, tout simplement ! Il est agréable d'avoir un espace vert comme celui-ci : on ne se croirait pas en ville, alors qu'on est tout près des commerces et des services. »

Lucasétudiant à Rennes, 23 ans

« Dès qu'on a envie de verdure, on vient. Aujourd'hui, nous emmenons notre nièce de deux ans se promener : elle voit la nature, les vaches, les ânes, c'est génial ! Le site est aménagé juste ce qu'il faut, avec des espaces encore sauvages, et il est adapté pour les enfants. »

Sarah et Quentinhabitante et habitant de Rennes, 30 et 33 ans

« Je viens souvent à la plaine festive ou à l'aire de jeux pour sortir les enfants. Ils s'amusent beaucoup. On habite juste à côté du parc, on l'adore ! J'ai toujours vécu en ville, et il est précieux de pouvoir se mettre au vert sans avoir à aller loin. »

Sihemhabitante de Rennes, 36 ans

« Arriver ici, on plonge dans le silence. Le lieu est paisible, alors qu'on est à deux pas du centre-ville. Heureusement que la municipalité n'a pas cédé aux pressions des promoteurs qui auraient aimé construire des logements ou d'autres infrastructures. »

Christinehabitante de Rennes, 60 ans

La vie d'avant

Et, si on vous disait que les prairies Saint-Martin auraient bien pu disparaître sous le béton ? Dans les années 1970, la municipalité étudie un projet de pénétrante. Cette double voie autoroutière traverserait les prairies afin de relier la future rocade nord au pont Saint-Martin. Le projet est abandonné, au profit de la création du parc urbain. 

Aussi, saviez-vous que les prairies étaient autrefois habitées par près de cent familles ? « Ici, la vie était singulière. C'était plus qu'une vie de voisinage, c'était une vie de village. Comme à la campagne, mais au bord de la ville. Il y avait nos maisons, nos jardins. C'était vivant. Les dimanches après-midi, un ancien jouait de l'accordéon, les jeunes jouaient au palet breton », témoigne une habitante des prairies depuis la fin des années 1960. 

Vue aérienne des prairies Saint-Martin, à Rennes, datant de 2023.

Vue aérienne des prairies Saint-Martin, à Rennes, datant de 2023.

Droits réservés : Sylvie de Villeroy, MRW Zeppeline Bretagne

Une de ses voisines se souvient aussi des jardins familiaux, cultivés par des Rennaises et Rennais. Dans les années 2010, ces potagers ferment et sont relocalisés ailleurs dans Rennes. Quant aux riveraines et riverains, ils et elles quittent les prairies suite à l'acquisition de leur maison par la Ville. Seules quelques bâtisses le long du canal sont encore habitées. 

L'aménagement du parc urbain de 30 hectares a fait l'objet d'une vaste concertation, mais n'a pas toujours été un long fleuve tranquille. À travers ce projet, la Ville a affiché la volonté de naturaliser intégralement les prairies, identifiées zone inondable par les services d'État, mais également polluées, probablement par les activités historiques d'une tannerie ou encore d'un garage allemand durant l'Occupation. Alors, le souhait est de rendre cet écrin de verdure, unique en ville et précieux à l'heure du dérèglement climatique, accessible à toutes et tous.

Pauline ROUSSEL.