Entre force et fragilité, Claire Tabouret en rétrospective

Claire Tabouret, artiste majeure de la peinture figurative contemporaine, dévoile au Musée des beaux-arts de Rennes dans le cadre d’Exporama, une rétrospective intense, entre mémoire, émotions.

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Claire Tabouret porte une chemise blanche devant une de ses oeuvres représentant des enfants.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

Qui est Claire Tabouret ?

Claire Tabouret est née en 1981 à Pertuis et a grandi bercée par la couleur et les musées, frappée très tôt par l’émotion que peut provoquer une toile. Ses premières inspirations puisent dans Monet et dans les collections classiques du Musée Fabre à Montpellier. Formée aux Beaux-Arts de Paris puis à New York, elle choisit à la fin de ses études de faire table rase : elle efface tous ses tableaux pour repartir de zéro. Ce geste radical marque la naissance d’une nouvelle peinture figurative, tendue vers les visages et les corps, porteuse d’une force émotionnelle rare.

Son œuvre, largement reconnu dès les années 2010, s’attache à représenter l’humain dans ce qu’il a de plus universel et de plus fragile : des enfants au regard grave, des jeunes femmes à l’identité mouvante, des exilés, des lutteurs, des étreintes… Chaque toile explore les tensions entre vulnérabilité et résistance, entre mémoire et oubli. Elle vit aujourd’hui entre la France et Los Angeles, et continue de développer un langage plastique très personnel, ouvert aussi aux paysages et à la nature morte, toujours traversé par la question du portrait comme miroir de l’âme. Sa prochaine commande : des vitraux contemporains pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Sa première rétrospective en France

L’exposition Entre la mémoire et l’oubli offre un regard inédit sur plus de douze années de création de Claire Tabouret. Son œuvre se distingue par un engagement passionné autour de thèmes majeurs : l’identité, l’altérité et le rapport au temps.

À travers plus de 60 pièces — peintures, monotypes, émaux, céramiques et bronzes —, l’exposition révèle la diversité des techniques employées et la richesse d’une production centrée sur le portrait, véritable fil conducteur de son travail. Un dialogue subtil s’instaure avec des œuvres anciennes issues des collections du Musée des beaux-arts, soigneusement sélectionnées par l’artiste pour entrer en résonance avec sa démarche.

Cette première grande rétrospective en France, soutenue par la Pinault Collection par le prêt de 13 œuvres majeures, s’inscrit au cœur du temps fort artistique d’Exporama, prolongeant ainsi la réflexion sur le portrait engagée par l’exposition Les yeux dans les yeux, présentée au Couvent des Jacobins.

Sa voix dans l'exposition

Lors d’une visite privilégiée, Claire Tabouret a offert ses mots pour raconter ses œuvres. Plus qu’un simple commentaire, c’est une plongée dans l’intimité de sa démarche, dans ses émotions, ses inspirations, ses doutes parfois. Sa voix éclaire les toiles autant qu’elle les prolonge.

Cette exposition, c'est comme un parcours qui se consacre particulièrement à la question du portrait sur 12 ou 13 ans, je crois, de ma création. C'est l'occasion de rapprocher des œuvres qui ont été créées à des moments différents et de créer des liens. Alors, c'était un moment de ma vie où je peignais particulièrement les enfants.00:30 (lien externe)Je m'intéressais à cette question de l'enfance. Je voulais représenter l'enfance peut-être dans tout ce qui peut y avoir de fort, de la force de l'enfance, la détermination des enfants, des enfants qui savent très bien ce qu'ils veulent, ce qu'ils veulent pas. Euh et donc peut-être à rebour d'une image de l'enfance auquelle on pense de manière plus générale.00:51 (lien externe)Peut-être ça fait écho à ma propre enfance où moi j'ai su très jeune que je voulais peindre de voir les nymphes de Monet avec mes parents en vacances et c'est ma première rencontre avec la peinture et donc avec des formats monumentaux avec une peinture mouvante avec la surface de l'eau qui est quelque chose qui m'obsède et qui revient énormément dans ma pratique.01:12 (lien externe)Et donc tout se situe là dans cette première rencontre, ce premier choc que je cherche à recréer sans cesse. Pour moi, le portrait peint, il permet de maintenir et de contenir une complexité et un mouvement que ne permet peut-être pas d'autres médiums, en tout cas que ne me permettent pas à moi. Peut-être d'autres y arrivent. Et moi ce que j'aime dans le portrait peint, c'est que c'est-à-dire qu'il a autant à nous apprendre sur nous-même que nous on a à apprendre de lui.  

C'est comme si je retrouvais de vieux amis. Je peignais dans le silence, dans la solitude. C'est une œuvre fondatrice, avant même que ma carrière commence vraiment. 

Des enfants en costumes sont peints sur un grand tableau.

Droits réservés : Les Insoumis (2013)
Acrylique sur toile, 260 x 390 cm
Pinault Collection
© Musée des beaux-arts, Rennes

Ces femmes incarcérées à Venise m’ont confié leurs seules photos, parfois déchirées. J’ai senti la tendresse de mères envers leurs enfants. J’ai voulu honorer cette tendresse, sans jugement.

Sur un mur des cadres avec des peintures de portraits d'enfants

Droits réservés :  Monotypes vénitiens, 2024
Collection PIA, Courtesy galerie
© Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

J’étais enceinte, j’ai d’abord vu la rondeur d’une grossesse. Puis l’actualité à Gaza m’a bouleversée. La vie s’est transformée en deuil. Les vases sont devenus des urnes.

Un vase marron représentant une femme qui pleure

Droits réservés : Les Pleureuses (brun doré), 2023
Vase rapin, porcelaine de Sèvres
Prêt de l'artiste
© Musée des beaux-arts, Rennes

Sur Tired Gold Miner (red) (2017)

J’ai trouvé l’amour à Joshua Tree, pas de l’or. Mais cette quête m’a rappelé la mienne, artistique, obsessionnelle. C’est aussi un autoportrait : une fatigue physique, une dépendance créative.

Grande toile rouge représentant un chercheur d'or qui fatigue avec l'appui d'un baton

Droits réservés : Tired Gold Miner (red), 2017
Pinault Collection
Courtesy de l'artiste &
Night Gallery, Los Angeles
© Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole 

Ce n’est pas un paysage au sens classique, mais un voyage intérieur. La fausse fourrure, comme un plaid doux, devient support de peinture. Chaque coup de pinceau fixe ou soulève la matière. 

un grand tableau bleu représentant un paysage

Droits réservés : Paysages d’intérieurs (bleu) (2021)
Pinault Collection
Courtesy de l'artiste & Perrotin
© Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

Fleur Gueutier

Informations pratiques

Exposition Entre la mémoire et l'oubli
Musée des beaux-arts de Rennes - Quai Zola (lien externe)
Visible jusqu'au 21 septembre

Tarifs : 
12€ : ce billet donne accès aux expositions du Couvent des Jacobins et du Musée des beaux-arts.
5€ : valable uniquement pour l'exposition présentée au site Quai-Zola du musée.
Accès gratuit pour : les - de 26 ans, étudiants de - ou + de 26 ans, détenteurs de la carte Sortir ! ou bénéficiaires des minimas sociaux, les personnes en situation de handicap, les enseignants des écoles des beaux-arts, architecture, histoire, histoire de l’art, arts plastiques, arts appliqués, les membres de la Société des amis du MBAR et les membres des associations ICOM, ICOMOS, FEMS, SAHIV, Bretagne Musées.

Une programmation Exporama. (lien externe)