La pendule sonne midi dans la maison de Monique Rouault. Dehors, la vie suit son cours : un ami vient chercher les journaux pour les maraîchers, la voisine appelle pour un colis. Dans sa véranda baignée de soleil, Monique, 87 ans, lit calmement, entourée de plantes et de bibelots patinés par le temps. Près de soixante ans d'histoires flottent dans l'air. Tu es née en plein été 1937, l'année des premiers congés payés, me disait mon père. Mes copains sont partis à la mer et moi, je suis resté au bord de la "mère" et toi
. Ce trait d'humour tendre, elle le raconte avec un sourire. Monique a l'humour tranquille de ceux qui ont traversé les épreuves sans jamais perdre leur humanité.
Lorsque la guerre éclate, elle n’a que trois ou quatre ans. Son père est mobilisé. Sa mère et sa grand-mère tiennent bon à l’épicerie familiale de la rue Pierre-Abélard, à Rennes. Elles vivent juste au-dessus. L’enfant grandit dans une atmosphère de débrouille joyeuse. Mais un jour, les sons familiers changent.
J’habitais tout près de la caserne du Colombier. Chaque matin, les soldats français passaient devant notre porte. Puis un jour, le bruit des bottes a changé. Ce n’était plus le même “pan-pan” sur les pavés. C’étaient les Allemands. Ils avaient pris la caserne
.
Monique se souvient d’une enfance presque insouciante, protégée par le calme inébranlable de sa mère. Quand ça sonnait, maman disait simplement : "On descend à la cave". Jamais une once de panique.
L’épicerie vivait à son rythme. Tout se vendait en vrac : la moutarde tirée à la pression, le lait à la louche, le beurre conservé dans la glace. Un lieu de passage, mais surtout un lieu de lien, précieux pendant ces années suspendues.