« I Am The Future » : un docu-fiction vibrant diffusé à l'Arvor à Rennes sur les rêves et les combats d'une jeunesse invisible

Le 5 septembre 2025, I Am The Future de Rachel Cisinski fera son avant-première. Le film nous plonge dans l'histoire de quatre jeunes venus de France, d'Indonésie, d'Inde et du Liban. Malgré les difficultés qu'ils rencontrent, ils gardent des rêves plein la tête et s'interrogent sur leur avenir et celui de leur communauté.

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 Portrait de Rachel Cisinski, réalisatrice, blonde habillée en noir

Droits réservés : Franck Hamon, Rennes Ville et Métropole

C'est avec un film poignant et inspirant que l'Arvor fait sa rentrée. Le 5 septembre 2025, I Am The Future de Rachel Cisinski fera son avant-première. Le film nous plonge dans l'histoire de quatre jeunes venus de France, d'Indonésie, d'Inde et du Liban. Malgré les difficultés qu'ils rencontrent, ils gardent des rêves plein la tête et s'interrogent sur leur avenir et celui de leur communauté. Leurs destins convergent à New York, où ils témoignent de leur expérience de la pauvreté aux Nations Unies. À travers l'écriture, la danse, la photographie et le dessin, ces jeunes talents posent un regard unique et courageux sur les grands défis contemporains. La réalisatrice nous dévoile les coulisses de ce film. Propos recueillis par Auriane Latrémolière    

Quel est le point de départ de ce film ? Pourquoi avez-vous eu envie de faire ce film ?

Durant deux ans, j'ai fait partie d'une ONG qui s'appelle Life Project 4 Youth. Cette ONG a pour but l'inclusion professionnelle des jeunes qui sont en situation d'extrême pauvreté dans plusieurs pays d'Asie et du Moyen-Orient. Ainsi, en tant que volontaire de solidarité internationale, j'ai été amenée à croiser énormément de jeunes qui étaient assez extraordinaires.

Dès mon arrivée à Life Project 4 Youth, je me rappelle John Delaporte, un des cofondateurs de l'ONG, m'avait confié qu'il y avait envie de faire un film un jour avec ces jeunes. Cela avait fait du chemin dans ma tête. De même pour le producteur du film, Romain Mailliu, ancien volontaire de l'association. On s'est dit ensemble qu'il y avait vraiment matière. L'idée était de les mettre en valeur. Que cette jeunesse des pays les plus pauvres puisse être représentée, puisse porter sa voix et pas seulement la jeunesse des pays occidentaux.

Votre film est particulier par sa forme, c'est un docu-fiction. Pourquoi avoir choisi cette forme ?

Je pense que la question de la forme est très importante pour moi. Je n'ai pas un curseur très précis entre le documentaire et la fiction. Au contraire, je pense qu'il est assez intéressant d'aller chercher un peu entre les deux. La forme doit s'adapter vraiment au fond. On ne peut pas demander à des jeunes qui n'ont jamais fait de cinéma d'être acteurs : soit on fait un film sur eux ; soit on fait un film avec eux. Mais, si on fait un film avec eux, il faut trouver le moyen pour eux de pouvoir s'exprimer. On était forcément entre les deux dès le départ, entre la fiction et le documentaire. Chaque jeune qui a participé au film, a vraiment mis de lui-même, c'est pour ça qu'on est toujours entre la fiction et la réalité.

Donc ce film a été coconstruit avec ces quatre jeunes ?

L'idée, c'était de faire ensemble, de travailler avec plusieurs personnes qui viennent d'horizons très différents. J'avais le cadre global dès le départ, mais ensuite le scénario s'écrivait au fur et à mesure. Je faisais des interviews filmées des jeunes et je leur posais des questions. On avait ainsi constitué une espèce de petit comité d'écriture.

Par exemple, quand on était à New-York, je savais que je voulais trouver un cours de danse pour Laxmi pour faire le lien avec son histoire en Inde. J'avais contacté plein d'écoles différentes. Je n'avais quasiment aucune réponse. Et, ceux qui m'ont répondu le plus simplement, c'était Martha Graham School of Contemporary Dance, une institution dans le monde de la danse. Pendant tout le film, c'était ça, des coups de chance !

En quoi ce film est multiforme ?

On parle de choses très différentes. L'idée de départ, c'était d'amener des sujets de société qui touchent tout le monde aujourd'hui, la jeunesse de tous les pays et puis, pas seulement la jeunesse d'ailleurs. On a une partie en Indonésie qui est vraiment centrée sur des questions écologiques ; en Inde sur l'indépendance vis-à-vis de sa communauté ; et au Liban sur la place de la femme ; et en France sur les situations d'exil. Chaque partie du film est un petit film à part entière qui est très différent d'un de l'autre, y compris dans la forme.

Comment avez-vous choisi ses quatre jeunes ?

Tout d'abord, c'étaient des jeunes qui étaient passés par la formation de Life Project 4 Youth. Second critère, il fallait aussi trouver des jeunes avec un talent artistique différent à chaque fois. Ensuite, il fallait qu'on sache, à quel point ils avaient envie de participer. Il fallait trouver des jeunes qui avaient envie de s'exprimer, de prendre la parole, et qui avaient quelque chose à dire sur leur propre situation.

Parce que notre idée, ce n'était pas de leur faire dire quelque chose. L'idée, c'était justement de leur laisser un espace pour raconter une histoire qui leur ressemble. À chaque fois, ce que je leur disais : "On ne fait pas un film sur vous, sur toi spécifiquement. On fait un film sur : comment est-ce que toi, tu peux refléter le cas de milliers de jeunes ?"

En quoi ce film a un aspect personnel pour vous ?

J'ai fait une prépa cinéma à Nantes et ensuite, j'ai étudié de la philosophie. Puis j'ai tenté la Fémis, l'École nationale supérieure des métiers de l'image et du son, mais je n'ai pas réussi le grand oral. J'ai toujours fait des choses très différentes dans ma vie. Ainsi, avant de commencer à faire ce film, je me disais : "Comment est-ce que tout ça fait sens pour moi ? "Et finalement le projet du film a émergé naturellement. Tout s'est aligné. Ce film ressemble à mon propre style. Il y a presque cinq films différents : quatre films sur la vie de chaque jeune, plus la partie à New York.

Avez-vous un moment particulièrement émouvant qui vous a marqué durant le tournage ?

On a eu tellement de souvenirs pendant ce tournage. C'était très riche, très dense. L'un des souvenirs les plus émouvants, c'est le tournage à New-York. C'était la dernière partie du tournage. Je suis arrivée à New York un peu paniquée : Mamadou n'a pas eu son visa, Laxmi ne l'avait pas encore ; ça fait neuf mois qu'on tourne ; je suis crevée ; on est tous crevés… On ne sait pas si ça va marcher ou pas. Et puis on arrive à New York. Je me dis qu'est-ce qu'on va faire à New York ? Est-ce que ça a du sens d'être là ? Est-ce que ça va bien se passer ? Finalement, il y a eu une telle osmose entre les trois filles – Dian, Soumayraa et Laxmi –, et le reste de l'équipe, qu'on avait l'impression que tout était possible. Il y avait vraiment un truc magique.

Quel message voulez-vous transmettre aux spectateurs à travers "I Am The Future"?

Je n'ai pas envie de donner des réponses avec ce film, mais au contraire de poser des questions. Ce film n'est pas pour dire : « Regardez, c'est ça. Dans ces pays-là, il se passe ça. » L'objectif n'était pas de calquer un discours. Ce n'était pas de donner des chiffres ou des statistiques. Non. C'était juste de dire : « Laissez-vous aller » ; « Allez à la rencontre de ces jeunes, aussi extraordinaires qu'ils soient. »

Le seul message qui reste est qu'il ne faut jamais faire de la misère une fatalité. Je cite le discours du prêtre français Joseph Wresinski, qui était le fondateur du mouvement des droits de l'homme ATD Quart Monde, qui a créé la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté dans les années 90 : la misère n'est pas une fatalité, elle ne le sera jamais. La misère, ce n'est pas le misérabilisme. Il y a une telle énergie chez ces jeunes, il y a une telle joie aussi de vivre et d'être là, qu'il ne s'agit pas du tout de s'apitoyer, mais au contraire, d'y croire. Il faut croire dans tous ces jeunes et il faut essayer de créer un monde qui soit plus juste pour chacun. Surtout, il ne faut pas s'arrêter de rêver.

Si vous souhaitez aller à la rencontre de ces jeunes extraordinaires et continuez à rêver, rendez-vous le 5 septembre 2025 à l'Arvor à Rennes, pour l'avant-première du film en présence de Rachel Cisinski. Sortie nationale le 10 septembre 2025.