Un belvédère sur la Vilaine : les Bouroullec enchantent la ville

Les frères Bouroullec ont imaginé une installation qui semble flotter près du quai Saint-Cyr, là où la Vilaine rencontre le canal d’Ille-et-Rance. Leur Belvedère s’offre aux regards, mais pas seulement.

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Vision de nuit du Belvédère dont les lumières se reflètent dans la Vilaine.

Droits réservés : ©Julien Mignot

Une boîte à rêves

Nouveau point de vue

Un phare, une presqu’île, un kiosque ? Non, un belvédère ! C’est le nom choisi par les frères Bouroullec pour qualifier le chapiteau posé sur l’eau, près de Cap Mail, l’immeuble signé par Jean Nouvel.

Le lieu est public. Celles et ceux qui le souhaitent peuvent l’utiliser au gré de leurs envies : pique-niquer, pêcher, changer de perspective sur la ville, rêver… C’est ce que recherchaient les designers bretons de renommée internationale, une façon de confirmer que le design n’est pas l’apanage d’une élite.

L’idée du Belvédère prend racine en 2016, alors que les Bouroullec proposent leurs Rêveries Urbaines aux Champs Libres. L’exposition présente des maquettes, résultats de leurs réflexions inédites sur l’aménagement de l’espace public. Le Belvédère ne fait pas partie de l’exposition, mais l’envie germe.

Alors ils suggèrent cette autre Rêverie, tout spécialement pour la capitale bretonne. Le projet d’une île merveilleuse, capable d’accueillir jusqu’à 30 personnes, fait son chemin. La Ville donne son feu vert pour cette œuvre pérenne et grandeur nature. Elle ouvre au public en 2020.

Cinq mètres de diamètre, 11 mètres de hauteur… Posé à deux mètres cinquante au-dessus de l’eau, le Belvédère est imposant. Il brille pourtant par sa légèreté : « L’idée originale était d’offrir un nouveau point de vue sur la Vilaine, sans l’encombrer d’une présence trop massive, explique Ronan Bouroullec. Il y a déjà de très belles choses à voir : la superbe ligne de fuite, avec le Mabilais à l’horizon, l’alignement des péniches… »

Vue de jour du Belvédère. Un petit bateau passe sur la droite. Des bus passent derrière sur le pont de Bretagne.

Le Belvédère devant le pont de Bretagne, avec en arrière-plan la cathédrale Saint-Pierre. 

Droits réservés : ©Arnaud Loubry 

Contrastes

Le belvédère est à la fois spectaculaire et discret, robuste et délicat… Si les frères Bouroullec ont embelli la ville, ils ont dû également s’assurer de la sécurité des utilisateurs. La prouesse est donc technique, esthétique et artistique. « Tout l’art est d’intégrer la complexité technique, de la rendre invisible. Nous sommes ici dans le détail de l’I-Phone, mais à une échelle architecturale. Il n’y a pas un millimètre qui n’ait été dessiné et pensé. Tout, jusqu’au plus petit boulon, a été fait sur mesure  ! »

De l’acier, de l’inox, du béton et de l’aluminium. La simplicité des matières utilisées n’a d’égale que la finesse de l’objet ainsi conçu. Ronan et Erwan ont fait dans la dentelle, une dentelle qui doit résister aux outrages du temps et des éléments.

« Petit à petit, l’idée s’est imposée qu’il devait se passer quelque chose en permanence. » Seize mobiles en forme de petites hélices qui reflètent la lumière du soleil et tournent au gré du vent animent la boîte à rêves et attirent l’œil des promeneurs.

La construction s'amuse des oppositions : le dessin silencieux et élancé du Belvédère contraste avec le jeu de lumière et de mouvement des objets habillant sa structure. L'ensemble dialogue avec les éléments naturels fluctuants. C'est une invitation à la contemplation. 

Vue rapprochée sur la partie haute du Belvédère.

Détail de la structure délicate du Belvédère.

Droits réservés : ©Julien Mignot

La construction

Ancré dans la Vilaine

Avant que le belvédère ne flotte sur la Vilaine, les techniciens de Ouest Préfa (Groupe Legendre) ont assuré le coulage de son socle en béton. Un vrai défi pour l’entreprise de Bourgbarré, plus habituée aux poutres droites qu’aux formes courbes.

« On ne fait pas ça tous les jours  ! » explique Damien Clouet, le directeur technique. Au quotidien, l’entreprise de Bourgbarré fabrique des poutres ou des balcons en béton prêts à être suspendus. « Nous faisons dans la grosse structure. Chaque jour, nous coulons 50 mètres cubes de béton, pour façonner des éléments pesant parfois plus de dix tonnes. »

Pour l’installation quai Saint-Cyr, Damien Clouet, a eu la charge de superviser la fabrication du socle sur lequel a été posé le lustre dessiné par les frères Bouroullec : 6 mètres cubes de volume, un diamètre de 5 mètres, un poids minimum de 12 tonnes et une prouesse technique  !

« Les difficultés techniques résident essentiellement dans le coulage, réalisé en plusieurs étapes. Le béton à prise rapide durcit très vite. Or, nous aurons à gérer différentes phases de séchage. Le premier risque est que le béton prenne différentes teintes. » Seconde gageure : « le ferraillage. D’habitude, nous fabriquons des poutres droites, et l’opération n’est pas trop compliquée. Ici, les tiges en métal devront épouser des formes courbes, et ça, c’est une autre histoire. »

Réalisée dans le cadre d’un mécénat de compétence avec le groupe Legendre, la coque devait se fondre parfaitement dans un décor urbain très aquatique, près des péniches du quai Saint-Cyr. C’est chose faite. 

Visite de l'usine Ouest Préfa : des personnes échangent autour de la pièce béton du socle qui était alors en construction.

Visite de l'entreprise Ouest Prefa lors de la construction de la pièce béton du socle du Belvédère.

Droits réservés : ©Arnaud Loubry

La structure

Les apparences sont parfois trompeuses et la simplicité du belvédère désigné par les frères Bouroullec dissimule une infinité de processus complexes. Derrière la dentelle ciselée de ses haubans en aluminium se cachent des centaines d'heures de recherche et des myriades de tests. Ouest prefa et Blam, les deux partenaires principaux des designers bretons peuvent le confirmer : tout a été fait sur mesure.  

  • Le pieu mesure 12 mètres de long pour un diamètre de 813 millimètres, il est posé à 5 m 70 de la rive. 
  • La corolle se compose de deux éléments préfabriqués par le groupe Legendre et a été assemblée sur place. L’intérieur de la corolle a été traité avec un béton de décoration.
  • La passerelle, en béton, est longue de 5,70 m, elle rattache le belvédère au quai.
  • La structure, tubulaire, mesure environ 11 min 30 s de haut. Huit mâts en inox polis constituent son armature octogonale. Chaque mât est relié à l’autre par un jeu de traverses horizontales. La structure se stabilise par le jeu de répartition des forces de tension et de compression, ainsi que par l’équilibrage obtenu par le tissage des haubans.
  • Les haubans sont en aluminium. Rapportée en linéaire, la longueur totale des tubes est de 215 mètres. Ces derniers donnent à découvrir le tissage majestueux de l’objet, au croisement du design et de l’architecture.
  • Les 24 luminaires ont été soufflés par l’atelier Arcamglass. Ils suivent un dessin très précis et répondent aux critères de résistance, de longévité et, bien sûr, d’éclairage.
  • Les moulins à vent animent le Belvédère. Ils transforment l’énergie éolienne en mouvement rotatif, au moyen de petites pales en aluminium anodisées.
  • La plateforme du belvédère est posée sur une fondation centrale qui permet son ancrage dans la Vilaine : l’ensemble doit rester stable face aux courants d’air et aux courants d’eau.

Le belvédère fait le grand écart entre l'élégance et la robustesse, l’esthétique et la sécurité. Des points d’équilibre ont été trouvés grâce aux matériaux utilisés. 

Les frères Bouroullec posent sur le Belvédère. À l'arrière-plan, la tour du Mabilais.

Les frères Bouroullec prennent la pose à l'occasion du premier anniversaire du Belvédère en 2011.

Droits réservés : ©Julien Mignot

Le soutien du fonds de dotation Puzzle

Ce projet de design urbain, financé par la Ville de Rennes, a bénéficié du soutien de six mécènes rennais pour ce qui constitue la première intervention du fonds de dotation pour l’art contemporain Puzzle.

Pour mémoire, cet organisme, doté d’une personnalité juridique, a été constitué en 2016 par le Conseil municipal de Rennes. Son but ? Promouvoir l’art et les évolutions urbaines au cœur de la ville. Puzzle sollicite les entreprises locales qui ont à cœur de soutenir les initiatives artistiques.