Les maisons en pan de bois à Rennes et autour de Rennes

Si le centre historique de Rennes est connu pour ses maisons en pan de bois, il y a eu de nombreuses constructions de ce type dans les communes alentour. Et certaines sont encore visibles. Prêts pour une balade à travers les siècles ?

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Les maisons à pans de bois de la place du Champ-Jacquet se détachent sur le ciel bleu.

Droits réservés : ©Arnaud Loubry

La construction en pan de bois dans le Pays de Rennes

Réalisation en pan de bois, maison à pans de bois… Ça ne vous dit rien ? Peut-être êtes-vous plus familier de l’expression « à colombages » ? Les deux termes désignent une technique de construction à ossature bois. La différence ? Le colombage est composé de poutres régulières alors que le pan de bois utilise des éléments de tailles très diverses.

Dans la métropole rennaise et plus largement dans le pays de Rennes, la construction en pan de bois s’étale sur près de 500 ans, du 15e au 19e siècle. « Cette pratique est liée à la nature géologique du bassin rennais : un sol argilo-limoneux et peu de pierres sur place pour bâtir. Le bocage, avec l’émondage des arbres, offre par ailleurs une ressource peu coûteuse », explique Jean-Jacques Rioult, conservateur en chef au service de l’inventaire du patrimoine culturel de la région Bretagne. Il est l’un des auteurs, avec Stéphanie Bardel, de l’ouvrage Architectures en pan de bois dans le pays rennais.

Le prix du transport des matériaux explique aussi la préférence pour le bois. « Jusqu’au 19e siècle, celui-ci va rester élevé », rapporte Gilles Brohan, animateur de l’architecture et du patrimoine à Destination Rennes. Ce n’est qu’avec l’avènement du chemin de fer que la pierre remplace progressivement le bois dans les constructions.

Les maisons en pan de bois du centre historique de Rennes sont bien connues. Mais il y a eu et il y a encore beaucoup de pans de bois dans les « faubourgs » et la campagne. « C’est au 16e siècle que les pans de bois sortent de la ville, avec les “retenues”, maisons de villégiatures, que les bourgeois rennais construisent à l’extérieur. » La technique remplit alors une fonction structurelle et esthétique. Elle s’applique à nombre d’usages : manoir, ferme, grange, appentis, clocher, etc.

Du 15e au 17e siècle, c’est l’âge d’or du pan de bois, avec des modèles variés. La pratique recule au milieu du 17e siècle : « On construit toujours en pan de bois, mais ils sont, à partir de cette époque, cachés par des enduits. Seule perdure la fonction structurelle », explique Stéphanie Bardel. « Repérer ces constructions peut s’avérer difficile ». Au 19e siècle, le pan de bois s’affiche à nouveau. « C’est le goût du pittoresque, que l’on retrouve notamment dans le patrimoine industriel. »

➡️ Stéphanie Bardel et Jean-Jacques Riou, Architectures en pans de bois dans le pays rennais (lien externe), Locus Solus Éditions, Châteaulin, 2019. 

Vue sur les façades en pans de bois de la Commanderie à L'Hermitage.

Les pans de bois s'affichent sur l'ancien manoir de la Commanderie à L'Hermitage, à l'ouest de Rennes.

Droits réservés : @Didier Gouray

Les maisons à pans de bois du centre historique

En 1720, un incendie détruit la moitié nord de la ville (lien externe). Les maisons en bois et les ruelles étroites facilitent la progression des flammes et il faut une semaine pour venir à bout du feu. 945 habitations sont ravagées, mais quelques quartiers sont épargnés. Aujourd’hui, Rennes compte encore 370 maisons en pan de bois, soit le plus important patrimoine de Bretagne. La ville est riche d’exemples de constructions, du 15e au 18e siècle.

Particularités rennaises

Rennes présente quelques particularités. « Le cœur de ville historique est dense, avec un parcellaire en lanière hérité de l’époque médiévale », indique Gilles Brohan. Les maisons sont étroites, avec une à deux pièces niveau rue, ainsi qu’aux étages. Au rez-de-chaussée, sur le côté, un couloir traversant débouche sur la cour à l’arrière et un escalier à vis dessert les étages.

Autre particularité : « Jusqu’au 17e siècle, les maisons sont totalement en bois, contrairement à d’autres villes où seule la façade, voire les pignons, est en bois, tandis que les murs mitoyens sont en pierre. » Pour cette raison, c’est l’ensemble des maisons de la place du Champ-Jacquet qui a bougé au moment du percement de la rue Leperdit au 19e siècle. Témoignage, s’il en fallait, de la souplesse de ce type de bâti !

Par ailleurs, « il s’agit surtout de l’habitat individuel, avec des échoppes au rez-de-chaussée. En journée, le commerçant ouvre son étal, où il propose sa marchandise, et, au-dessus, l’ouvroir, qui le protège. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que l’on rentre dans le commerce. » 

Vue sur les façades de quelques maisons de la rue de la Psalette dans le centre historique.

Les maisons à pans de bois avec encorbellement dans la rue de la Psalette, à côté de la cathédrale. 

Droits réservés : ©Arnaud Loubry

Le pan de bois à travers les siècles

« Les premiers éléments présents à Rennes datent du 15e siècle. Toutefois, il y a peu de constructions non remaniées », lance Gilles Brohan. On peut en admirer rue Saint-Georges, rue Saint-Sauveur, ou encore rue de la Psalette, où subsistent quelques rares exemples de bâti du 15e qui ont pratiquement conservé leur structure d’origine.

C’est au 15e siècle que se développent les encorbellements, sortes de saillies au niveau de la façade. Les encorbellements permettent d’agrandir la surface des étages supérieurs, mais aussi de protéger les commerçants et leurs clients au rez-de-chaussée.

Au 16e siècle, c’est l’émergence des décors sculptés. « On distingue deux périodes : le début de la Renaissance, avec des personnages simplifiés, puis l’influence de la seconde Renaissance. Désormais, les décors reprennent ceux du château de Fontainebleau, avec des profils humains identifiables : les propriétaires, des personnages illustres, etc. »

Au 17e, les ornements s’appauvrissent, c’est l’apparition des façades plates avec des couleurs. Un bel exemple se trouve au 5 de la rue du Chapitre : pans de bois jaune, enduit rouge et bois bleu.

Au 18e siècle, les pans de bois sont complètement enduits. Des édits royaux ordonnent que les façades soient dorénavant recouvertes pour limiter les risques d’incendie.

➡️ Destination Rennes propose des visites du centre historique (lien externe)

Vue sur une maison à pans de bois colorée dans la rue du chapitre : jaune, rouge et bleu animent la façade.

La maison au 5 de la rue du Chapitre avec ses pans de bois jaunes, ses enduits rouges et des fenêtres bleues.

Droits réservés : ©Arnaud Loubry

Préserver ce patrimoine fragile

État des lieux

La richesse du patrimoine en pan de bois du Pays rennais a été révélée lors d’un inventaire : « Lors de l’élaboration du Plan local d’urbanisme intercommunal, nous avons souhaité disposer d’un inventaire du patrimoine local, avec une base homogène sur l’ensemble des communes », indique Jeanne Renan Marty, du Service planification et études urbaines de Rennes Métropole.

Cet inventaire, réalisé en partenariat avec la Région Bretagne et le Master 2 Restauration et réhabilitation du patrimoine bâti de Rennes 2, a permis de mettre en lumière la technique du pan de bois utilisée dans des constructions très diverses, du simple appentis au manoir. « L’enjeu est non seulement la préservation d’une technique ancienne, mais aussi sa redécouverte pour les constructions actuelles. »

L’état des lieux a par ailleurs permis une prise de conscience de la fragilité de ce patrimoine qu’il s’agit désormais de sauvegarder et de faire connaître aux habitants et habitantes de Rennes et des communes alentour.

Vue d'une cour intérieure qui a été rénovée au 9 de la rue Saint-Georges.

Les façades rénovées du 9 de la rue Saint-Georges - vue de la cour intérieure.

Droits réservés : ©Arnaud Loubry

Renouer avec un savoir-faire ancien

Au fil des siècles, les charpentiers avaient acquis un savoir-faire remarquable. Avec la fin des constructions en pan de bois, la connaissance des techniques s’est perdue peu à peu. « Dans les années 1980, peu de professionnels maîtrisaient les techniques liées au bâti ancien », témoigne Gérard Lenain, président de Tiez Breizh (lien externe), association spécialisée dans la sauvegarde, la connaissance et la valorisation du patrimoine et de son environnement.

« Au-delà du savoir-faire, il faut un œil “averti” pour repérer les techniques mises en œuvre. Et cela aussi avait quasiment disparu. » De nombreuses erreurs de restauration ont été commises : interventions ne respectant pas la nécessité des structures d’être protégées de l’eau et de l’humidité (grâce aux coyaux des toitures, par exemple) ou de respirer (si le pan de bois n’a pas été prévu pour être recouvert, il ne doit pas l’être).

« On cherche aujourd’hui un confort qui n’est pas celui des siècles passés, mais la réhabilitation doit se faire en respectant certaines règles. » Sauvegarder les pans de bois, c’est permettre de se réapproprier les savoir-faire, en observant et en analysant leur architecture afin de comprendre comment ils ont été construits. « C’est la condition pour retrouver les gestes d’autrefois. »