Les Nouveaux commissaires : une expérience à la croisée de l'art et du lien social

Ils et elles sont confrontés à des problèmes d'emploi ou d'insertion sociale et apprennent à monter une expo. En 2023, nous les avons suivis dans leur rôle de Nouveaux commissaires. Une saga à lire en 5 épisodes.

Actualités
Des visiteurs regardent des oeuvres exposées dans une pièce.

Droits réservés : Anne-Cécile Estève, Rennes Ville et Métropole

Épisode 0 : R.S.A, comme Réseau Social Artistique

Après le succès d’Empreintes/Emprunts en 2021, les Nouveaux Commissaires remettent le couvert. Cette fois, dix habitants vont plancher toute l’année pour monter une exposition à partir du patrimoine du quartier Bréquigny.

Ils s’appellent Servane, Oksana, Alexandre, Angie, Marie-Christine… Un groupe de dix habitants, Rennaises et Rennais, fréquentant le Centre communal d’action sociale (CCAS). Toutes et tous se sont portés volontaires pour jouer le jeu de l’art et se mettre dans la peau d’un commissaire d’expo, pendant plusieurs mois.

À l'image de l'exposition présentée à l'Hôtel Pasteur en 2021, les Nouveaux Commissaires font rimer art et altruisme.

Droits réservés : Anne-Cécile Estève, Rennes Ville et Métropole

L’idée des Nouveaux commissaires est née en 2021, pose Pierrick Guégan, chargé de développer les projets participatifs et de médiation du patrimoine pour la Direction de la culture de la ville et de la métropole. Concrètement, il s’agit de proposer à des habitants de Rennes, en partenariat avec le CCAS, d’assurer le commissariat d’une exposition. En toile de fond, il y a l'idée de les aider à rompre leur isolement, à reprendre confiance.

Une première exposition, Empreintes/Emprunts, a déjà été montrée en novembre 2021, à l'Hôtel Pasteur.  Le propos de cette première édition était également de valoriser le Fonds communal d'art contemporain.  Le fruit de plusieurs mois de trouvailles et de travail, ne se résumant pas au choix des œuvres (douze au total). Les Nouveaux commissaires se chargent notamment de la rédaction des textes accompagnant les œuvres, et cette année, de l'élaboration du plan de communication..., confirme Pierrick Guégan.

La promo 2021 des Nouveaux commissaires pose devant leur expo.

La promo 2021 au rapport.

Droits réservés : Anne-Cécile Estève, Rennes Ville et Métropole

J'ai décidé de participer aux Nouveaux commissaires pour apprendre et découvrir, tester et évaluer personnellement ma sociabilité, pour me mettre au défi, pour évaluer les professionnels de la Ville de Rennes, pour la curiosité de de découvrir comment structurer un tel projet.

Fleurianne Randram

Le bilan de cette première aventure ? Positif du point de vue des travailleurs sociaux, certains participants ayant retrouvé le chemin de l'emploi, d'autres s'étant engagés dans des projets. Et, cerise sur le gâteau culturel, la fréquentation de l'expo fut tout à fait honorable.

Une bonne raison pour rééditer l'opération. Cette fois, dix habitants vont former un nouveau Réseau Social Artistique et plancher sur une exposition présentée en novembre prochain. Après l'art contemporain en 2021, les Nouveaux commissaires devront puiser dans le patrimoine du quartier 12, à savoir Bréquigny. Ils trouveront bien sûr leur bon art dans les œuvres visibles dans l'espace public (Peter Briggs, Francis Pellerin, le street art...), mais aussi dans le patrimoine architectural (Georges Maillols, Louis Arretche) du quartier.  Pour eux, c'est aussi l'occasion de découvrir des équipements, et de rencontrer des spécialistes du patrimoine ou du commissariat d'exposition. 

Des visiteurs découvrent l'exposition Empreintes/Emprunts dans une salle de l'Hôtel Pasteur

Pour plusieurs participants au projet, l'expérience fut concluante, suivie d'un retour à l'emploi ou d'un engagement dans des projets.

Droits réservés : Anne-Cécile Estève, Rennes Ville et Métropole

L'intérêt de ce dispositif, c'est de pouvoir sélectionner des œuvres, participer à une concertation citoyenne entre des gens qui ne se connaissent pas à l'origine, pouvoir créer une exposition d'art par le peuple

François Savoureux

De janvier à novembre, à raison d'une ou deux séances de travail par mois, les commissaires vont donc mener leur quête, jusqu'à l'exposition finale. Certains sont sceptiques au départ, disant ne rien y connaître, mais la plupart finissent par se prendre au jeu.  Au fil de l'art, du lien social, tout simplement.

Je retiens : la découverte des différents aspects d'un métier et les rencontres avec les intervenants sur le projet ; les différentes étapes successives du projet, qu'elles soient intellectuelles (phases de réflexion, rédactionnel, discussion) ou plus concrètes (disposition des œuvres, espace, affichage, et à titre personnel, le travail sur l'affiche et les éléments visuels de communication) ; la découverte de l'hôtel Pasteur ; les relations humaines avec les intervenants du CCAS et de la Ville ; pouvoir créer une exposition par les habitants pour les habitants ; la grande souplesse de la gestion du projet par le médiateur, dans un esprit d'ouverture continue très agréable.

Jean-Marie Le Fèvre

Épisode 1 : L'entrée des altruistes

Faut-il y voir un (bon) signe ? Le premier atelier de travail des Nouveaux commissaires a lieu un vendredi 13. Un jour porte bonheur, un jour bon pour l'art. Une vingtaine d’autres rendez-vous suivront jusqu’au jour J et l’exposition finale, en novembre prochain.

Vendredi 13 janvier, première séance de travail à l’Espace Social des Champs Manceaux.

Seule la moitié des dix participants au dispositif des Nouveaux commissaires ont fait le déplacement dans le quartier Bréquigny. Faut-il y voir le verre à moitié plein ou la bouteille à moitié vide ? Nous opterons pour la première option.

Pour Servane, Alexandre et les autres, sortir de chez soi pour se mêler aux autres ne coule pas forcément de source. Rompre la solitude, retrouver l’estime de soi et la confiance… Les défis sont nombreux pour ces Rennaises et Rennais, et si les absents ont souvent tort, ils ont parfois de bonnes raisons.

À l’ordre du jour : resserrer les liens et faire mieux connaissance ; découvrir les différentes étapes d’une exposition ; définir la notion de patrimoine ; et surtout, esquisser les contours de la future exposition. Leur exposition.

Les Nouveaux commissaires se réunissent pour la première fois.

De gauche à droite, Oksana, Servane, Alexandre et Angie.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

En attendant que tout le monde s’installe, des photographies du chantier de construction de la piscine Bréquigny défilent au mur. Une manière idéale pour les Nouveaux commissaires de se jeter à l’eau et rentrer dans le vif du sujet.

Aujourd’hui, on va apprendre à mieux se connaître, et aussi rentrer davantage dans le détail du projet, confirme l’animateur de la séance Pierrick Guégan. Sont présents également les les deux référents RSA de l’ESC des Champs Manceaux et véritables chevilles ouvrières du projet, Marion Levavasseur et Fulbert Vettier.

La séance commence par un petit tour de table, non pas pour communiquer avec les esprits, mais pour se présenter. Chacun est venu avec un objet, ou plutôt l’idée d’un objet.

Pour Oksana,  la vie est très difficile ici. L’Ukrainienne est passionnée par la couture et le dessin.  Je suis Rennaise depuis longtemps et j’observe l’évolution de la ville parce que j’adore me promener , enchaîne Servane. Elle voit quant à elle la vie en verre.  J’aime cette matière depuis toute petite, parce que c’est transparent, et parce que cela me permet de jouer avec la lumière.  La nouvelle commissaire est donc aussi artiste. Tatoueuse et bassiste dans un groupe de rock, Angie a elle aussi la création dans la peau, comme l’atteste son dermographe. Alexandre nourrit quant à lui une passion  certes un peu trop dévorante pour l’informatique et les problèmes de logique à résoudre. Fin du tour de table avec Marie-Christine, qui avoue danser depuis toute petite. Les danses traditionnelles irlandaises, la lambada, le cha cha cha… Peu importe le style, quand je danse, je suis ailleurs.

Les présentations faites, chacun peut enfiler son costume de Nouveau commissaire. Avez-vous une idée de comment on fabrique une exposition ? Quelle est la première chose à faire ?, interroge Pierrick Guégan. ​

Un animateur montre des photos du quartier Bréquigny

Préalable à une exposition sur Bréquigny : bien connaitre le quartier.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

De la planification au démontage en passant par la conception et la production, les participants découvrent les 7 commandements du commissariat d'exposition.

Il sera possible de rencontrer des professionnels du métier pour trouver des sources d'inspiration, continue le médiateur.

S'ensuit une visite de la salle d'exposition, où les commissaires constatent qu'il y a de la place et qu'on peut imaginer des choses. Servane a déjà endossé son nouveau rôle. Au retour, elle ne manque pas de noter la froideur de ce mur gris de l'espace social commun des Champs Manceaux.  Il faudrait ici une belle œuvre de street art représentant les peuples du monde, propose-t-elle. Alors, de quoi a-t-on envie de parler, dans notre exposition ? , poursuit le médiateur.

Il est vrai que Bréquigny, c'est vaste, tout comme la notion de patrimoine. L'exposition évoquera-t-elle l'histoire du quartier, de son ancien camp de prisonnier Margueritte et du château éponyme ? Ou s'attardera-t-elle plutôt sur ses singularités architecturales, comme ces hublots rigolos de Georges Maillols, square de Terre Neuve ?

Bréquigny a correspondu à un idéal d'habitation dans les années 1960-70, notamment en termes de confort, pour les nouveaux rennais arrivant des campagnes, ou les étrangers venus travailler chez Citroën. 

Les participants découvrent la salle d'exposition.

Les participants découvrent la salle d'exposition.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

Il y a aussi un peu de street art dans le quartier, et l’on pourrait très bien imaginer d’inviter un artiste. Ou encore ces sculptures et œuvres visibles dans l’espace public, de Peter Briggs à Francis Pellerin. Comme vous pouvez le constater, beaucoup de choses sont possibles. Nous pouvons également envisager de croiser les thématiques, l’art, l’histoire et le patrimoine architectural. Le tout est d’avoir un fil rouge. 

Angie vote pour le street art ; Marie-Christine pour l’art public. Oksana avoue elle aussi être sensible aux sculptures et aux œuvres d’art ; Alexandre préfère quant à lui le côté avant-après, c’est-à-dire l’histoire du quartier. Servane, enfin, propose de mettre de la couleur dans la vi(ll)e…

Gros plan sur une main tenant une machine à tatouer

Tatoueuse et bassiste dans un groupe de rock, Angie a la création dans la peau.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

La couleur à Bréquigny ? L’idée est d’autant plus pertinente que nombre de bâtiments du quartier sont gris.

Cette exposition doit aussi montrer la façon dont vous percevez le quartier, conclut Pierrick Guégan. Cette question, et une petite promenade dans les rues de Bréquigny, seront justement l’objet de la prochaine séance, dans quinze jours !

Épisode 2 : petit break dans les rues de Bréquigny

Au programme de ce 2e atelier des Nouveaux commissaires : une petite sortie au grand air, dans les rues de Bréquigny, au gré des sites architecturaux et des sculptures parsemant l’espace public. La substantifique moelle de la future exposition programmée en novembre.

Vendredi 27 janvier. La pluie fait des claquettes sur le trottoir, mais elle n’entamera pas la bonne humeur affichée par les Nouveaux commissaires.

Absents la dernière fois, Arthur et Noëlla ont rejoint le groupe, portant le nombre des Nouveaux commissaires à 7.

À l’ordre du jour, une sortie dans le quartier Bréquigny, pour y puiser la matière première patrimoniale et artistique de l’exposition programmée en novembre.

Au premier plan, les Nouveaux commissaires visitent le quartier Bréquigny. En arrière-plan, les hublots rigolos des immeubles de Georges Maillols, au niveau du square de Terre-Neuve

En arrière-plan, les hublots rigolos des immeubles de Georges Maillols, square de Terre-Neuve.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

Quittant l’Espace social commun des Champs-Manceaux, le groupe se met en ordre de marche. Les parapluies bariolés mettent de la couleur dans la grisaille du jour, avant de se refermer pour monter dans le bus de la ligne C3.

Les voyageurs du jour descendent à l’arrêt Canada. À l’horizon, le Centre Alma se rappelle aux bons souvenirs des Rennais. L’occasion de préciser que le temple de la consommation fut le 3e centre commercial de France après Paris et Nice. Et que « Julien Clerc, Sylvie Vartan, Richard Anthony et des catcheurs étaient présents à l’inauguration, le 27 avril 1971 », sourit le guide du jour Pierrick Guégan.

On se souvient que Carrefour s’appelait jadis Mammouth, et qu’il écrasait les prix sur son passage, déclenchant quelques blagues pour l’occasion. Les rires fusent, comme la pluie ruisselant sur les parapluies.

À l’origine, Bréquigny, c’était des champs, pose Pierrick Guégan. À la place des tours, quelques fermes, hameaux et manoirs, sans oublier le ruisseau du Blosne, qui donnera plus tard son nom à tout un quartier.

Tournant le dos au Centre Alma, les Nouveaux commissaires scrutent maintenant l’horizon de Terre Neuve, du nom du square où se dresse l’une des réalisations les plus emblématiques du grand architecte Georges Maillols. Avez-vous déjà entendu parlé de Georges Maillols ? , interroge Pierrick Guégan. Il a construit plus de 10 000 logements, à Rennes. » Les regards perplexes se passent de commentaires.  Les tours Horizons, c’est lui . Cette fois, les yeux s’illuminent, le groupe lâche un ah oui !  à l’unisson. Pourquoi ces hublots rigolos sur les immeubles ?  Georges Maillols s’est inspiré du peintre hongrois Victor Vasarely.

Une femme photograhie une oeuvre de street art aux couleurs vives

Pause street-art à la MJC Bréquigny.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

Après la jungle urbaine, place à la nature. Nous voilà maintenant à l’entrée du parc Bréquigny. Un jardin à l’anglaise, tout en rondeur, où la nature s’épanouit librement, loin des prés trop carrés français.  Auparavant, à la place du lycée se dressait un manoir. 

Les Nouveaux commissaires font étape devant une sculpture végétale en forme de colimaçon.

Baptisée Il était une fois dans un pays lointain par l’artiste égyptienne Ghada Amer, cette œuvre refuge invite à venir se poser pour y lire des histoires. On dénombre une centaine d’œuvres d’art dans l’espace public rennais , note Pierrick Guégan. On dirait un jeu de l’oie, commente Alexandre. Hercule Poirot ou Colombo ? Marie-Christine et Noella discutent quant à elle polar. Le groupe reprend sa route jusqu’à la MJC Bréquigny, sur la façade de laquelle s’étale une des rares œuvres de street art du quartier.

À quelques pas de là, une autre création attire l’attention : la pyramide et les piliers en céramique de Gustave Tiffoche, réalisés en 1982.

Avant-dernière étape du jour, les Cloteaux, construits par l’autre star architecturale de Rennes, un certain Louis Arretche.  Le lycée Bréquigny, c’est aussi lui.  La circonspection est une nouvelle fois de mise dans le groupe, jusqu’à ce que Pierrick Guégan précise :  Il a réalisé le Mabilay.  La réponse fuse comme une volute de fumée dans la bouche d’Alexandre : Oh oui, la cigarette géante ! 

Fin du périple autour d’un rond-point, où se dressent les gastéropodes et le céphalopode du "Janus" de Peter Briggs. L’artiste a voulu jouer avec la forme circulaire du rond-point en recréant une spirale, commente Pierrick Guégan. Dans l’Antiquité, Janus est également le gardien des portes.  De la ville, en l’occurrence.

Le périple exploratoire touche à sa fin. Sur le chemin du retour, le groupe longe le lycée Bréquigny, où une autre œuvre, signée Francis Pellerin attire l’attention.

L’enquête des Nouveaux commissaires aura-t-elle porté ses fruits ? Patience, nous l’apprendrons lors du prochain épisode !

Épisode 3 : Bréquigny 24 - Jacques Cartier 22

De même que la réalité n’est jamais noire ou blanche, de même les certitudes d’un jour peuvent parfois se transformer en doute légitime… Partis pour monter une exposition sur le patrimoine du quartier Bréquigny, les Nouveaux commissaires ont ainsi bien failli changer leur fusil d’épaule, après une visite de la prison Jacques Cartier...

Avancez de trois cases et rendez-vous directement à la prison Jacques Cartier… Mais quelle mouche a piqué les Nouveaux commissaires ? Alors qu’ils sortaient à peine d’une marche exploratoire dans le quartier Bréquigny, ces derniers ont subitement décidé d’aller mener l’enquête du côté de la maison d'arrêt fermée en 2010. Une plongée dans l’univers carcéral forcément vertigineuse.

Détail du dome de la prison Jacques Cartier

Vue du dome de la prison Jacques Cartier.

Droits réservés : Jean-Baptiste Gandon, Rennes Ville et Métropole

Pourquoi un tel revirement ? S'ils habitent pour la plupart Bréquigny, Alexandre, Angie et consorts manifestent beaucoup d’affinités pour le quartier voisin. Le patrimoine de la prison Jacques Cartier faisait partie des hypothèses de départ, sourit le médiateur Pierrick Guégan.

La séance du jour sera donc celle du choix, certes cornélien, et il sera bientôt question de gomètes…

Entre-temps, les Nouveaux commissaires ont pu bénéficier des conseils avisés de Pauline Guyard, rompue au montage d’exposition. De quelles ressources dispose-t-on ? Quel est le montant du budget ? Quid des questions de droit et de surveillance ? Et surtout, quel sera le thème de l’exposition, et dans quelle problématique s’inscrira-t-elle ? Que de questions ! En d’autres termes, il est fondamental pour les commissaires d’élaborer un rétro planning.

La séance du jour sera quant à elle consacrée à l’inventaire des ressources utilisables pour les deux quartiers. Pierrick Guégan a constitué de dossiers pour l’occasion, riches de photographies d’archives, de plans, ou de monographies historiques…

À l’image de ces graffitis pas toujours politiquement corrects laissés par les détenus sur les murs de leur cellule, le beau n’est pas le seul critère, rappelle l’agent de la direction de la culture de la Ville de Rennes et de Rennes Métropole. Regardez cette maquette de 1963 de la Zup sud, il pourrait être intéressant de la retrouver.

Alors, Bréquigny ou Jacques Cartier ? D'anciens pensionnaires de la prison Jacques Cartier sont toujours vivants et peuvent par exemple apporter de précieux témoignages. Le sujet est en outre pertinent dans la mesure où il renvoie à la problématique très actuelle de la surpopulation carcérale. Marie-Christine ne trouve pas ça joyeux. Triste, mais intéressant , lui répond Alexandre. Oksana a quant à elle déjà tout prévu : Les couloirs de la prison sont larges. Je propose d'y aménager une piscine et un court de tennis, d'y installer un billard et d'y mettre des fleurs. 

 L'architecte de l'époque a opté pour des couloirs larges pour des raisons hygiéniques , éclaire Pierrick Guégan. C'est un fait, la prison Jacques Cartier constitue une source narrative sans fin, et a notamment servi de décor pour le film « La taularde », avec Sophie Marceau, ou encore la série « Profilage », diffusée sur TF1.

L'heure du vote a sonné. Équipé de gommettes, chacun répond à une grille de critères pour les deux quartiers. Le sujet est-il original ? Les ressources exposables sont-elles suffisamment variées ? Le rapport à l'actualité est-il évident ? Quel est votre intérêt personnel pour le sujet ?

L'histoire de Bréquigny, ce quartier construit très rapidement pour accueillir les populations affluant des campagnes, renvoie au sujet particulièrement brûlant de la croissance démographique rennaise.  Résultat du vote ? Bréquigny l'emporte sur le fil 24 voix à 22 !

Le thème retenu pour l'exposition sera double : les idées reçues sur le quartier, et un regard chronologique sur Bréquigny avant les années 1960, au moment de sa construction, et aujourd'hui.

Dernier point à l'ordre du jour : l'assignation des rôles. Alexandre s'opccupera de la recherche documentaire, Angie et Artur des choix graphiques et de communication, tandis qu'un trio Oksana, Marie-Christine, Noella ira collecter des témoignages.

La suite au prochain épisode...   

Épisode 4 : Un scénario à huiler

Avec huit séances de travail au compteur, les nouveaux commissaires sont désormais au milieu du gué, tandis que se profile à l'horizon le moment de présenter au public l'exposition consacrée à l'histoire sociale et urbaine du quartier Bréquigny. Si novembre est encore loin, les contours du récit et le scénario sont de plus en plus nets.

L'histoire sociale et urbaine de Bréquigny, ainsi que les idées reçues sur le quartier... Les Nouveaux commissaires ont tranché, et la thématique de l'exposition présentée en novembre prochain est désormais fixée.

Pour nourrir ce récit historique sur le quartier, Marie-Christine est notamment partie à la rencontre des habitants pour recueillir leurs points de vue ; Alexandre a quant à lui fouillé les archives urbaines sur ce secteur de la ville.

Les Nouveaux commissaires ont retenu quatre thèmes phares pour construire l'exposition : l'histoire de l'immigration dans le quartier, la question de sa modernité, ses particularités sociales et enfin ses équipements.

Bréquigny est-il un quartier sportif ? Sa population est-elle particulièrement jeune ? Réponse dans quelques mois, notamment sur le Mur des réactions prévu pour recueillir la parole des habitants.

Si ces derniers pointent régulièrement du doigt l'insécurité dans le quartier, ou les problèmes de drogue, la plupart y sont attachés et souhaitent y rester, note l'animateur Pierrick Guégan.

Les nouveaux commissaires recherchent des ressources iconographiques et des données statistiques sur le quartier Bréquigny.

Trouver des ressources iconographiques ou des données statistiques pour alimenter le récit, imaginer des dispositifs de médiation... Les Nouveaux commissaires ont encore du pain sur la planche ! 

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

La tour Sarah Bernhardt a accueilli beaucoup d’immigrés venus construire le quartier, note Pierrick Guégan. Pour traiter de cette délicate question des mouvements migratoires, l’animateur a convié la sociologue Anne Morillon, notamment auteure d’une thèse sur les naturalisations.

Français « de naissance » ou « par acquisition », « étranger » ou « immigré »... Ces questions n’auront bientôt plus de secrets pour les Nouveaux commissaires, grâce à son éclairage aussi instructif que passionnant sur l’histoire de Rennes et du quartier Bréquigny.

La sociologue Anne Morillon est intervenue sur le sujet de l'immigration, à Rennes et dans le quartier Bréquigny.

La sociologue Anne Morillon est intervenue sur le sujet de l'immigration, à Rennes et dans le quartier Bréquigny.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole.

Dans quelques semaines, le spécialiste de l'histoire du Blosne, André Sauvage viendra également partager ses connaissances avec les Nouveaux commissaires.

La notion d'immigré n'a été intégrée dans les statistiques que dans les années 1990, continue Anne Morillon. Avant, celui-ci n'existe pas (statistiquement, ndlr) et il est par conséquent difficile de trouver des données comparatives pour éclairer le présent, note-t-elle, avant d'ajouter : Les immigrés des années 1960-70 sont venus pour travailler dans le BTP, ou à la faveur du regroupement familial. Suivent l'exil et les études. Aujourd'hui, suivre un cursus universitaire est la première cause d'immigration en France.

Avec plus de 30 % d'habitants d'origine étrangère recensés, les secteurs des Champs-Manceaux et de Canada sont de véritables mosaïques de population. Une belle manière de se rappeler au bon souvenir d'Odorico, cette famille d'immigrés italiens devenus si chers au cœur des Rennais.

La suite au prochain épisode... 

Épisode 5 : du profane au professionnel

Complètement étrangers au monde de l'art et des expositions au départ, les Nouveaux commissaires ont pourtant fini par se prêter au jeu curatorial. De la quête des ressources iconographiques à la conception graphique, leur « Rétro Bréquigny » a fière allure. Les profanes nous livrent un travail de pro, à découvrir à partir de la fin octobre.  

Au début de l'aventure, il y a quelques mois, leur quotidien se trouvait à des années-lumière du monde de l'art et des expositions.

Que se passe-t-il dans les coulisses d'un événement culturel ? Quel est l'envers du décor ? Les Nouveaux commissaires ignoraient tout de ce milieu un peu intimidant.

Les Nouveaux commissaires en train de plancher sur les questions graphiques.

Les Nouveaux commissaires en train de plancher sur les questions graphiques.

Droits réservés : Jean-Baptiste Gandon, Rennes Ville et Métropole

Pour paraphraser Mark Twain,  ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. Et bien fait. L'agenda indique le vendredi 22 septembre, quelques mois après notre dernière visite. L'occasion de constater que le projet d'exposition des Nouveaux commissaires a bien avancé, et que l'heure est au réglage des derniers détails. 

Alexandre a mené l'enquête et fouillé les archives pour mettre la main sur la pépite qui donnera tout son relief à cette « Rétro Bréquigny ». Le musée de Bretagne, les Archives de Rennes et Aiguillon construction lui ont pour l'occasion, donné les clés de leurs coffres aux trésors.

La "Rétro Bréquigny" des Nouveaux commissaires nous emmène au milieu des champs, à une époque où le quartier Bréquigny n'était qu'une idée. Ici, les Cloteaux.

Droits réservés : Créations artistiques Heurtier - Musée de Bretagne

Arthur et Angie ont pris en charge les questions graphiques, en collaboration avec une graphiste et une scénographe professionnelles ; Marie-Christine est partie à la rencontre des habitants au café des Îles, pour recueillir leurs sentiments sur le quartier ; Servane s'est intéressée aux ressources audiovisuelles. Les visiteurs de l'exposition auront notamment l'occasion de découvrir une passionnante vidéo sur les conditions de vie de ces ouvriers qui ont construit la ZUP. Des Portugais et des Maghrébins pour la plupart, logés dans des baraquements et des caravanes, au cœur des années 60.

Chacun est sorti de soi-même et a pris son rôle à cœur, avec une vraie conscience « professionnelle ». Et le résultat est au rendez-vous.

Déclinée sur 17 panneaux et rythmée en 4 parties, « Rétro Bréquigny - Clichés du quartier 12 » nous raconte en quelque sorte l'histoire sociale et urbaine du quartier. Des photographies, plans d'urbanisme et infographies enrichis de textes, pour mieux guider cette promenade dans l'histoire.

Les visiteurs de l'exposition découvriront les origines sociales des habitants (Bréquigny populaire), l'importance de sa population immigrée (Bréquigny terre d'accueil), son architecture (Bréquigny rétro) et sa jeunesse (Bréquigny encore jeune).

Des couleurs de l'affiche à l'organisation des panneaux dans la salle d'exposition, l'heure est au réglage des derniers détails, et la pression ne va pas tarder à monter...


Pour certains d'entre eux, sortir de chez soi pour venir à nos rendez-vous relevait tout simplement de l'exploit, au début. La première étape pour eux était de reprendre confiance en soi, note Pierrick Guégan, médiateur pour la direction de la culture de la ville de Rennes et de Rennes Métropole. 

Prendre un peu de hauteur, ça ne fait pas de mal, comme ici avec cette vue aérienne du lycée Bréquigny.

Droits réservés : Musée de Bretagne

Quelques mois plus tard, les Nouveaux commissaires se sentent prêts à assurer des visites guidées, un symbole éclatant de leur confiance retrouvée. Mieux, un autre a décroché un rendez-vous pour un entretien d'embauche à un poste de médiateur numérique, preuve qu'il se sent désormais prêt à aller vers l'autre. Hier isolé, les Nouveaux co ont repris le goût des autres, une manière de dire que cette 2e édition est déjà un grand succès.