Les Nouveaux Commissaires révèlent le matrimoine de leur quartier

Monter une exposition, c'est un métier. Mais ça s'apprend. Au Blosne, un groupe suivi par le Centre communal d'action sociale (CCAS) travaille depuis dix mois à révéler le matrimoine de leur quartier. Ce sont les Nouveaux Commissaires.

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Des personnes sont en réunion et travaille sur le programme de l'exposition

Droits réservés : Anne-Cécile Esteve, Rennes Ville et Métropole

Nous sommes en septembre. Bientôt l'expo. Les photos ont été choisies, les textes corrigés, le déroulé validé. La scénographie plaît à tout le monde. Anatole, Stéphanie, Lionel et Alix ont fait le plus dur. Mais il reste encore à faire.

Réuni à la direction de quartier Sud-Est, le petit groupe révise l'ordre du jour. D'abord, caler des animations. Une conférence sur l'histoire de la Zup Sud ? L'idée fait l'unanimité. Et pourquoi pas un film documentaire ? Oui mais lequel ? Médiateur du patrimoine à la Ville de Rennes, Pierrick Guégan cadre la discussion : « On peut solliciter la Médiathèque de Bretagne ou Comptoir du doc pour savoir ce qu'ils ont en stock. Il faudra penser à demander l'autorisation de diffusion au producteur. »

Les Nouveaux Commissaires aimeraient bien attirer les scolaires. « Les attendus de l'Éducation nationale sont pointus, tempère Pierrick. C'est complexe techniquement. On risque de se mettre en difficulté. Mais on peut faire passer le mot aux centres de loisirs municipaux. »

Dernier point, le vernissage. Il faut caler la date, l'horaire. Qui pour prononcer un mot d'accueil ? Stéphanie répond du tac au tac. « Moi ça ne me fait pas peur. » C'est le métier qui rentre.

Projet culturel

Qu'on ne s'y trompe pas : les Nouveaux Commissaires ne sont pas une formation diplômante au métier de commissaire d'exposition. Plutôt une initiation. Surtout l'occasion de se mettre en mouvement, d'exprimer ce que l'on sait faire ou veut apprendre. C'est aussi une façon de participer à la vie culturelle locale. D'être force de proposition.

L'histoire se répète tous les deux ans. À chaque fois dans un quartier différent. À chaque fois avec des volontaires orientés par des travailleurs sociaux du CCAS (Ville) ou du CDAS (Département).

En 2023, c'était Bréquigny. Les Nouveaux Commissaires avaient choisi de creuser l'histoire du quartier, les stéréotypes à déconstruire à partir de données historiques et sociologiques. Au Blosne cette année, Julien et Carole ont suggéré un autre fil conducteur : le matrimoine. Ou comment les femmes ont modelé l'ADN du quartier. Pierrick Guégan complète : « Les Nouveaux Commissaires sont un outil de médiation auprès de celles et ceux qui ne fréquentent pas les équipements institutionnels. C'est aussi une façon de travailler des sujets encore peu traités dans nos équipements. » Comme le matrimoine, abordé avec un regard très personnel. Centre communautaire du Blosne, Maison des femmes... « Ici, ce sont eux qui définissent ce qui fait patrimoine. Pas les sachants. »

Travail d’équipe

Pour monter l'expo, les Nouveaux Commissaires sont partis en balade exploratoire. Ils ont rencontré des habitantes, des travailleuses, des militantes associatives, des artistes et des soignantes. Stéphanie a interviewé l'ancienne comptable du Triangle, qui évoque la vocation du centre culturel. Lionel a fait la connaissance de l'association Langophonies, qui valorise la richesse linguistique du Blosne. Alix a ressorti son appareil photo pour croquer le graff de l'artiste murale Kensa sur le viaduc du métro. Anatole a travaillé de chez lui pour réaliser le montage audio des entretiens.

Ensemble, les Nouveaux Commissaires ont sélectionné l'iconographie, réfléchi au propos et à l'agencement des panneaux. À l'Écomusée, une « vraie » commissaire d'exposition leur a partagé les ficelles du métier. Aux Archives, les documentalistes leur ont montré comment chercher efficacement. « Je me charge des textes et du suivi administratif, complète Pierrick, le médiateur. Mais je suis complètement transparent. Je leur montre les polices d'assurance, les conventions de prêt. Je détaille le budget (15 000 €) poste par poste. »

« Au début, je me suis demandé ce que je faisais là. L'art contemporain, ce n'est vraiment pas mon délire. Mais je me suis accroché, et j'ai fini par trouver ma place. » Anatole

« C'est une expérience formidable. On est pris dans un tourbillon de rencontres. On voit le projet se déployer. On a envie d'aller au bout ! » Alix

Ambition sociale

Démarche culturelle, les Nouveaux Commissaires sont aussi un projet social. Une infirmière et une référente RSA sont dans la boucle. « Au début, je me suis demandé ce que je faisais là, confie Anatole. Parce que les musées d'art contemporain, ce n'est vraiment pas mon délire. J'ai failli abandonner. Mais je me suis accroché. J'ai fini par trouver ma place. Au bout du compte, j'ai bien progressé en montage audio. »

Stéphanie qui avait dit « oui sans réfléchir » admet avoir appris « plein de trucs sur le patrimoine et la richesse culturelle » du quartier. Alix est encore plus enthousiaste : « C'est une expérience formidable. On est pris dans un tourbillon de rencontres. On voit le projet se déployer. Forcément on a envie d'aller au bout. »
Les Nouveaux Commissaires font du lien, déjouent le piège de l'isolement. « On fait maintenant partie d'une famille », ose Alix. Le mode projet insuffle une dynamique, ouvre des portes. « Certains se mettent à fréquenter un peu plus les lieux culturels, observe le médiateur. Un ancien participant a même monté projet photo en solo. » Pendant la durée de l'expo, les Nouveaux Commissaires assureront des visites « accompagnées ». Tous ont dit oui.

Récit long

Découvrez la première édition des Nouveaux commissaires à Bréquigny (lien externe)

Voix de femmes, un matrimoine au cœur du Blosne

Du 3 novembre 2025 au 7 janvier 2026
Bibliothèque du Triangle
Gratuit.

Inauguration mercredi 5 novembre, 18h