A 13 ans, cette pianiste ukrainienne jouera des accords pour la paix à Rennes, dans le cadre des Dialogues européens

En exil depuis la guerre, la jeune pianiste ukrainienne de 13 ans Nora Kostenko jouera des accords pour la paix pendant les Dialogues européens. Retrouvez ici son interview.

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Nora Kostenko, jeune pinaiste ukrainienne de 13 ans, assise à son piano

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Jeune ukrainienne de 13 ans, Nora Kostenko a fui Kharkiv avec sa famille pour être accueillie à Vertou, à côté de Nantes. La lauréate du concours Piano Gare se produira le samedi 22 novembre à Rennes dans le cadre des Dialogues européens. Aidée par sa maman Anna, elle a accepté de répondre à nos questions sur l'exil, la guerre, l'Europe et, bien sûr, la musique.

— Parlez-nous de votre départ d’Ukraine.

Je suis partie au tout début de la guerre, quand il est devenu clair qu’il n’était plus possible de rester en sécurité. Nous vivions à Kharkiv, et chaque jour apportait davantage d’angoisse : les sirènes, les bombardements, l’incertitude constante. Prendre la décision de quitter le pays a été l’une des plus difficiles pour mes parents : on laisse derrière soi non seulement sa maison, mais encore son monde familier, ses amis, ses souvenirs. Le voyage a duré dix jours, marqué par la fatigue, la peur, mais aussi l’espoir de trouver un endroit plus sûr où il serait possible de continuer à vivre et à faire de la musique.

— Quelle était votre vie en Ukraine ?

Avant la guerre, ma vie était riche et lumineuse. La musique en occupait une place centrale : je travaillais beaucoup, je participais à des concerts. Je me préparais à des concours et j’élaborais mes projets d’avenir. Tout était lié à la création et à un cercle de personnes qui m’étaient très chères. Puis, tout cela s’est arrêté brutalement. Mais, les souvenirs de cette "vie d’avant" continuent de m’inspirer et de me donner la force de croire qu’un jour, nous pourrons y revenir.

— Comment avez-vous été accueillie en France, à Vertou ?

À Vertou, à côté de Nantes, j’ai été accueillie avec beaucoup de chaleur et de bienveillance. Les gens ont été incroyablement attentionnés : ils m’ont aidée pour la poursuite de mes études musicales. Cela m’a donné un vrai sentiment de sécurité et de soutien. Bien sûr, s’adapter à un nouveau pays n’est jamais simple : il y a la langue, les différences culturelles, les nouvelles règles. Mais, grâce à cette atmosphère de générosité et d’ouverture, j’ai pu retrouver de l’énergie pour avancer et me projeter à nouveau. Ce qui est particulièrement important pour moi, c’est que la musique et l’art sont très valorisés ici, et j’ai eu la chance de continuer à progresser professionnellement.

La jeune Nora Kostenko debout, tenant dans chaque main un drapeau français et ukrainien

Nora Kostenko a trouvé en France un accueil chaleureux qui lui a permis de continuer à étudier la musique.

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— Qu’attendez-vous de l’Europe ?

Je pense que l’Europe n’est pas seulement une union d’États, mais avant tout une communauté de valeurs. J’attends de l’Europe qu’elle poursuive sa solidarité avec l’Ukraine et qu’elle continue à défendre les principes démocratiques. Elle peut montrer au monde entier que la liberté, le respect de la vie et de la dignité humaine ne sont pas des notions abstraites, mais bien les fondements sur lesquels on construit l’avenir. Je crois aussi que le dialogue culturel et humain à l’intérieur de l’Europe joue un rôle essentiel : c’est ce qui permet de surmonter les divisions et de trouver des chemins vers la paix.

— Parlez-nous du concours "Piano Gare" ou "A vous de jouer" et de votre expérience sur cet instrument.

Participer au concours Piano Gare a été pour moi une expérience très particulière. C’est un format inhabituel : la musique surgit au cœur de la vie quotidienne, dans un lieu public, et elle surprend les passants. J’avais envie de leur offrir un moment de beauté et de calme au milieu de leurs occupations. J’ai interprété une œuvre du compositeur ukrainien – Ihor Shamo, Quasi Campana,  Prelude #8. C’était très émouvant de voir des personnes s’arrêter, écouter, sourire, parfois fermer les yeux un instant. Cela m’a montré encore une fois que la musique n’a pas besoin de traduction : elle relie les gens au-delà des langues et des frontières.

— Avez-vous encore de l’espoir pour l’avenir de votre pays ? Comment voyez-vous votre propre avenir ?

Oui, j’ai toujours de l’espoir. Je crois profondément que l’Ukraine tiendra, malgré toutes les épreuves, et qu’elle se reconstruira en tant que pays libre et fort. Je suis fière du courage et de la résilience de notre peuple. Quant à mon avenir personnel, je le vois étroitement lié à la musique et à la culture. Je veux continuer à évoluer comme pianiste, à donner des concerts, à créer des projets qui rapprochent les personnes. Pour moi, l’art est une manière de parler de l’essentiel et d’aider les autres à mieux se comprendre. Et, j'aimerais que, grâce à la musique, ma contribution soit aussi une petite pierre pour bâtir l’avenir — celui de mon pays, mais aussi celui de l’Europe et du monde.

Retrouvez Nora Kostenko, le samedi 22 novembre, 14h30, aux Champs Libres, dans le cadre de Dialogues européens. Entrée libre. https://www.leschampslibres.fr (lien externe)

Des propos recueillis par Jean-Baptiste Gandon

Les Dialogues européens, qu'est-ce-que c'est ?

Dès leur première édition, les Dialogues Européens organisés par les Champs Libres se sont inscrits dans un contexte géopolitique marqué par la guerre, en l'occurrence l'invasion russe de l'Ukraine. L'année 2025 ne rend pas ce contexte géopolitique moins prégnant, avec la recrudescence des stratégies impériales, et plus largement la remise en cause de l'ordre constitué après la Seconde Guerre mondiale. Les nouvelles formes de menaces pesant sur les personnes et les pays, sont au cœur des débats politiques, médiatiques, et préoccupent nombre de citoyens, en France et dans le monde.

À Rennes, en novembre, les Champs Libres se saisiront de ces questions en donnant la parole à des voix européennes, et notamment de l'Est de l'Europe, à travers une série de tables rondes.

À lire : un dossier consacré à cet événement dans le magazine Ici Rennes du mois de novembre (lien externe).