Rennes sous les projecteurs : immersion dans les coulisses du téléfilm Notre fils

De la cour de l’école au plateau de tournage, on a suivi l’équipe de “Notre fils” en pleine effervescence. À Rennes, la magie du cinéma s’écrit entre rigueur, rires et café chaud du matin.

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Des personnes vérifient que le plan proposée par la caméra est ok

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

22 octobre 2025, 8h du matin, place Sainte-Anne, devant l’école du Contour Saint-Aubin. Un camion de production peine à entrer dans la cour.  Allez, sors, sors... C’est chaud là, ça passe pas ! , commente une voix. Demi-tour, manœuvre, et le camion avance finalement dans l’autre sens. Gilet orange fluo sur le dos, Benjamin Clauzier, régisseur général, garde son calme et nous accueille avec le sourire. Bienvenue sur le tournage du téléfilm “Notre fils”, produit pour France Télévisions.

"On a une heure pour tout installer, ensuite on tourne"

La cour de l’école se transforme en véritable ruche. Une dizaine de camions sont garés, chargés de matériel, costumes, accessoires et bureaux temporaires. Une quarantaine de techniciens s’affairent, rejoints par les figurants du jour. Le café fume sur la table du catering. On a une heure pour tout installer, ensuite on tourne , glisse Benjamin. Son rôle : veiller à la sécurité et faire le lien avec tous les contacts extérieurs.

L’école du Contour Saint-Aubin devient, pour quelques jours, l’école « Jacques Prévert », quelque part dans la Nièvre. Le panneau d’entrée réalisé par l’équipe décor, trop propre, doit être « patiné ».

Ici, chaque détail compte. Les objets extérieurs ne sont déposés qu’en dernière minute pour éviter les vols ; et les intérieurs ont été pensés et installés dans les moindres détails en amont avec des meubles et accessoires issus de ressourceries locales comme l’Adrak à Rennes. Quand on imagine un décor, on réfléchit à sa fin de vie. Par exemple, on privilégie des vis plutôt que de la colle pour pouvoir démonter et réutiliser l’ensemble. , explique Mado Le Fur, la chargée d’éco-production.

Deux personnes posent le panneau de la nouvelle école

Dernier élément de décor à poser avant de partir préparer le prochain lieu de tournage. Et oui, le département décor a toujours un coup d'avance !

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

Une démarche écologique - "Ce tournage coche beaucoup de cases"

Sur ce tournage, la démarche écologique est partout. Elle supervise le bilan carbone et accompagne l’équipe dans des gestes concrets : déplacements à vélo ou en train, repas végétariens et locaux, suppression du plastique.  Ce tournage coche beaucoup de cases, résume-t-elle. Trois personnes de l’équipe sont formées à ces enjeux, notamment pour la déco et les transports, les postes les plus impactants. Dans les loges, les comédiens se préparent. Le troisième assistant à la mise en scène, veille au confort et à la sécurité des figurants et des enfants, donnant les “top” départ sur le plateau.

Le directeur de production, Frank Lebreton, présent pour la première fois à Rennes, précise : On tourne 21 jours pour un 90 minutes. On doit livrer le téléfilm fin février et on ne connaît la date de diffusion que trois semaines avant. Mon rôle, c’est de budgéter le projet, négocier les contrats des comédiens et techniciens, et coordonner les équipes.

Tout ce petit monde reçoit une feuille de service, tenue par l’assistante réalisatrice, qui orchestre la journée de chacun : horaires, repas, déplacements, convocations. Sur une journée de tournage, à peine quatre ou cinq minutes de film utiles sont enregistrées.

Installation lumières dans la cour.

Les installations lumières se déplacent et s'ajustent en permanence pendant le tournage.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

« C’est mon histoire qu’on raconte »

La réalisatrice rennaise, Elsa Blayau, dirige la mise en scène avec sa première assistante. Le jeune Maé Beaudon-Kyriacou, 10 ans, interprète le rôle principal, accompagné de sa coach. Le jeune acteur confie, concentré : J’ai déjà fait de la figuration, et second rôle. Mais là, c’est mon premier vrai rôle. J’aime comprendre comment tout se fait. Si je dois pleurer, ma coach m’apprend des techniques, comme la respiration. Sa doublure prend le relais sur certaines scènes pour respecter les durées légales de tournage des enfants : trois heures par jour pendant l’école, quatre pendant les vacances.

À l’espace HMC (Habillage, Maquillage, Coiffure), tout est minutieusement réglé. On ajuste les raccords maquillage, on jongle avec les costumes selon la chronologie des scènes, et on veille aux coiffures sous l’éclairage du plateau.

Entre deux prises, le scénariste Vincent Robert raconte avec une émotion certaine : Ce téléfilm, c’est mon histoire personnelle. Mon compagnon et moi avons adopté un enfant de huit ans et demi. On voulait montrer que l’adoption tardive n’est pas un plan B, c’est aussi une véritable rencontre. » Inspiré de son livre témoignage, le film se veut aussi un outil de sensibilisation pour les futurs parents. « En France, trop d’enfants grandissent sans famille parce qu’ils sont considérés trop âgés pour être adoptés.

Entre les répétitions, les réglages de lumière et les multiples prises, chaque plan demande une précision millimétrée. La Ville de Rennes a mis à disposition l’école du Contour Saint-Aubin et la bibliothèque du Thabor, tandis que la Région Bretagne accompagne le projet. Sur les soixante-dix techniciens mobilisés, cinquante sont bretons dont une vingtaine rennais. Une production résolument locale !

Le soleil décline sur la cour. Le panneau « Jacques Prévert » a pris sa patine, les autocollants et tags donnent l’illusion d’une école ancienne. Rennes retrouve son calme. Le tournage, machine complexe et minutieuse, révèle autant la rigueur et la patience que la complicité et la bonne humeur d’une équipe qui rit et s’amuse tout en travaillant.

Allez hop une petite retouche coiffure pour la comédienne Annie Giorgio.

Droits réservés : Arnaud Loubry, Rennes Ville et Métropole

Entretien avec la réalisatrice rennaise, Elsa Blayau

Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler dans le cinéma ?

J’ai étudié à Penninghen, une école d’arts graphiques, où je me destinais plutôt à la direction artistique. Pour mon diplôme, j’ai réalisé un court-métrage, Une journée quotidienne, primé à Cannes en 2010 et diffusé sur France Télévisions. Depuis, j’aime raconter des histoires, en fiction comme en documentaire. Quand le producteur Ivan Sadik m’a proposé “Notre fils”, sur l’adoption d’un enfant par un couple homoparental, j’ai été touchée par la force du sujet et son impact sur les mentalités.

Pourquoi avoir choisi de tourner à Rennes ?

Je vis à Rennes et rêvais d’y tourner depuis longtemps. Le film se déroule entre deux lieux, dont une ville en bord de mer — nous avons choisi Lancieux. Même si Rennes n’est pas nommée, ce choix s’est imposé naturellement. En effet, quand on adopte, il se peut qu’on vienne chercher un enfant à plus de 500km de chez soi. L’agrément peut se déposer dans tous les départements. Nous tenions à maintenir cette notion de distance géographique dans l’histoire.

Qu’est-ce qui vous fait sourire à la fin d’une journée de tournage ?

Après une journée de tournage, c’est la joie qui l’emporte et le soulagement d’avoir réussi à tourner toutes les séquences de la journée, et d’avoir réussi une mise en scène qui serve le film.

Une anecdote marquante sur ce tournage ?

Sur ce tournage, l’ambiance est joyeuse et l’équipe très soudée. Sans doute pour contrebalancer le poids de cette histoire, très émouvante. C’est la première fois que je vois des techniciens verser une larme pendant des prises, tant certaines séquences sont difficiles. Alors quand on dit « coupez », il faut ramener de la légèreté, et rire. 

Rennes accueille le cinéma

Chaque année, Rennes accueille une quarantaine de tournages, majoritairement des projets étudiants ou des clips d'artistes locaux. Mais la ville séduit aussi des productions d'envergure, avec deux à trois longs-métrages, téléfilms ou documentaires par an - comme "L'attachement" de Carine Tardieu et la série TF1 "Enquête en famille" en 2024, ou encore la série Arte "Camarades".