Pourquoi l'université de Rennes a créé une IA générative

En mars 2024, l'Université de Rennes a créé RAGaRenn, un outil d'intelligence artificielle générative, similaire à ChatGPT. Expérimenté par le personnel universitaire, il est désormais accessible aux agents de Rennes Métropole. Rencontre avec Olivier Wong-Hee-Kam, vice-président Numérique de l'établissement. 

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Pourquoi l'Université de Rennes a lancé sa propre intelligence artificielle générative (IAg) ?

On a créé une solution locale pour plusieurs raisons. La première, c'est la sécurisation des données. On voulait proposer au personnel un service semblable à ChatGPT. Mais, en 2023, on craignait qu'OpenAI (qui a développé la fameuse IA) récupère nos données sensibles. À cette époque, plusieurs entreprises comme Amazon ou Samsung ont d'ailleurs interdit à leurs employés d'utiliser ChatGPT afin d'éviter des fuites de données. On a sécurisé notre outil en l'hébergeant sur un data center breton, Eskemm Data. 
La deuxième raison, c'est la fiabilité des informations. Nos experts de l’IRISA, laboratoire de recherche en informatique, m’ont convaincu de la pertinence du RAG (Retrieval Augmented Generation, génération à enrichissement contextuel) qui utilise des documents pour obtenir une réponse plus précise. ChatGPT a aussi déployé du RAG quelques mois plus tard.

Les IAg sont très énergivores et consomment beaucoup d'eau. Quelle est l'empreinte environnementale de RAGaRenn ?

C'est le troisième enjeu de l'expérimentation : mesurer l'impact environnemental. À ce stade, il est compliqué d'affirmer que notre IAg est plus soutenable. Les fournisseurs d'IAg ne partagent pas d'informations, on ne peut pas faire de comparaison, et l'étude sur notre solution est en cours. Je peux juste dire qu'on adopte une approche frugale, en proposant différents modèles de langage ouverts et plus petits qui sont 10 à 20 fois moins consommateurs que ChatGPT. 

Comment est-elle utilisée ?

Les usages sont de quatre ordres : la pédagogie, la recherche scientifique, les tâches administratives et la découverte d'un agent conversationnel. L'usage est raisonnable, pas quotidien.

Les agents de Rennes Métropole peuvent désormais l'utiliser. L'objectif est-il de l'ouvrir à un plus large public ?

Tous les établissements de l'enseignement supérieur français peuvent déjà l'expérimenter. On réfléchit à le proposer plus largement, mais ce n'est pas viable pour un établissement seul. On fait partie d'une fédération d'établissements du supérieur (lien externe)qui s'entraident. L'un des gros défis, c'est la gestion des pics d'utilisation. 
On a mis en place un système qui distribue les demandes. Si les serveurs de Rennes sont saturés, ou indisponibles pour des raisons de maintenance, un autre établissement prend le relai. Mais notre objectif n'est pas de rendre la solution accessible au grand public. RAGaRenn est adaptée à nos besoins spécifiques. Il est complémentaire de ChatGPT.

Pourquoi c'est important de développer des IA locales ?

C'est une question de souveraineté, même si le terme est galvaudé. En informatique, le matériel dépend de propriétés intellectuelles majoritairement américaines et il est souvent fabriqué en Asie. Sans matériel, on ne peut pas accéder au numérique, donc viser l'indépendance numérique est illusoire. Je vois plutôt la souveraineté comme notre capacité à faire des choix : il est important d'avoir des alternatives adaptées à nos besoins, de faire jouer la concurrence. J'ai conscience que nous n'avons pas les moyens de lutter contre les géants. C'est comme dans l'agroalimentaire : les gros groupes mondiaux coexistent avec le circuit court.

Hélaine Lefrançois

Envie d'en savoir plus : voir la FAQ de l'université de Rennes sur RAGARennes (lien externe).