Podcast : « Couvent des Jacobins : 2 000 ans d'histoire »

Avant la construction du centre de congrès dans le couvent des Jacobins, un titanesque chantier de fouilles a été mené par l'Inrap. De découvertes majeures en trouvailles insolites, plongez dans les 2 000 ans d'occupation du site, qui jettent un éclairage nouveau sur l'histoire de Rennes. 

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Podcast ICI Rennes : "Le couvent des Jacobins, 2000 ans d'histoire"

Bonjour, c'est Ronan Lemoère. Avec Raconte-moi Rennes, je vous propose de découvrir quelques grands moments de l'histoire de notre ville. En amont de la construction du centre de congrès dans le couvent des Jacobins, un titanesque chantier de fouilles a été mené, 18 mois durant, par l'INRAP, l'Institut National de Recherche Archéologique Préventive. 130 000 tessons de céramique, 1675 monnaies et plus d'un millier de sépultures y ont été retrouvées. De découvertes majeures en trouvailles insolites, plongée dans les 2000 ans d'occupation du site qui éclairent l'histoire de Rennes.

Il était une fois... Rennes, ou plutôt Condat Redonum, puisque c'est le premier nom de notre ville. Une ville fondée, au risque d'en hérisser quelques-uns, par les Romains. Avant leur arrivée, l'actuelle Ille-et-Vilaine, est occupée par le peuple celte des Redonès, dont le nom inspirera d'ailleurs celui de Rennes. Mais rien n'indique qu'une cité existait alors à cet endroit. Au premier siècle avant Jésus-Christ, c'est une forêt qui se dresse en lieu et place du centre des congrès que nous connaissons aujourd'hui. C'est ici qu'ont été découvertes les toutes premières traces de la création de la ville de Rennes. Déboisements, défrichements, nivellements, un travail d'aménagement réalisé par les Romains donc, et plus précisément des légionnaires. C'est en tout cas ce que laisse penser la découverte d'un glaive, sur place, lors des fouilles de l'Inrap.

Une fois sorti de terre, le quartier est un mélange d'habitations et d'ateliers métallurgiques. Pour s'y déplacer, pas encore de métro, mais un important carrefour routier qui accueillait carrosses et autres chariots. En son centre, un temple sacré. Après la muraille et les thermes qui ont été découverts dans les années 70, ce monument est l'un des tout premiers bâtiments publics antiques mis au jour à Rennes. Et il a une petite originalité, puisque pour faciliter la circulation, ses angles étaient rognés à la façon d'un rond-point. Une curiosité peu courante. De mémoire d'archéologue en tout cas, c'est du jamais vu, soulignait lors de sa découverte Gaëtan Le Cloarec, responsable d'opération archéologique à l'INRAP.

A la fin du IIe siècle, un violent incendie ravage le quartier, poussant ses habitants dans d'autres zones de la ville. Quand l'urbanisme reprend, le quartier change de visage. Les petites cellules d'artisans laissent place à des bâtiments massifs, comme un siège d'association professionnelle de 2900 m². La ville, qui est alors florissante, s'apprête cependant à vivre quelques heures sombres. Des hordes barbares menacent un empire romain déjà en crise. Et si Condate, c'est son nom alors, a pu vivre en paix jusqu'ici de par son éloignement des frontières de l'empire, eh bien ça ne va pas durer. La cité va bientôt se recroqueviller sur elle-même. A la fin du IIIe siècle, une partie de la ville est rasée pour construire un mur d'enceinte. Mais l'actuelle place Sainte-Anne n'est pas inclue dans ce périmètre protégé. Les habitants s'en vont et le quartier périclite. En lieu et place de l'espace commerçant et artisanal des débuts, une décharge y fait même son apparition au IVe siècle. Déserté, déconstruit, le quartier restera en friche pendant de longs siècles. Il faut attendre la fin de l'époque médiévale pour les premières reconstructions, comme celle du couvent des Jacobins.

Faisons un saut temporel jusqu'au XIVe siècle. A cette époque, l'ordre des Dominicains, un ordre catholique né à Toulouse, monte en puissance. À Rennes, ils acquièrent des parcelles sur lesquelles ils projettent de bâtir une église et son couvent, celui des Jacobins. Bien que fermement opposé à l'idée, le clergé n'aura pas le dernier mot. La première pierre est posée en 1368 par le duc de Bretagne, Jean IV. La légende voudrait que ce dernier soit à l'origine du projet, ayant fait la promesse, en cas de victoire à la bataille d'Auray, de construire une église en l'honneur de la Vierge. Une histoire inventée de toutes pièces et probablement véhiculée par les Dominicains, fondateurs du couvent, pour s'attirer les dons de notables. Reste que le couvent demeurera de longues décennies sous protection ducale. Les années d'occupation défilent, c'est l'heure de quelques découvertes insolites, comme celles de restes de repas de frères, essentiellement composés de poissons ou encore d'une incroyable partition musicale du XVe siècle gravée sur un bloc de schiste. Toujours lisible, elle a été mise en musique par la soprano Dominique Fontaine, spécialiste de la musique de la Renaissance.

Au fil des ans, le couvent devient un lieu d'enseignement privé. Son réfectoire est loué à l'occasion pour l'accueil de différents événements, comme le rassemblement des édiles bretons, centre des congrès avant l'heure en somme. On y célébrera même les fiançailles d'Anne de Bretagne et Charles VIII en 1491. Du moins, c'est là encore ce que prétend la légende, puisque rien n'a jamais permis de le vérifier. Un tableau, miraculeux aux direx des croyants, trouve sa place sur les murs à la même époque. C'est la Vierge à l'enfant et il est aujourd'hui conservé dans l'église de Saint-Aubin. Il aurait notamment préservé la ville de la Peste. Du coup, le couvent devient un lieu de pèlerinage couru au XVI et XVIIe siècle. Pour accueillir les foules, les Dominicains adaptent le couvent. Un passage leur permettant d'avoir un accès direct à l'église depuis le cloître, sans passer par une partie publique, a été mis au jour lors des fouilles. La partie sud du cloître devient quant à elle une chapelle où les riches familles se font enterrer. La location d'espaces funéraires pour être enseveli au plus près du tableau miraculeux est alors une activité très lucrative.

Plus d'un millier de corps ont été découverts dans le couvent. Si la majorité des défunts étaient inhumés dans un cercueil, enveloppés d'un linceul, quelques tombes plus prestigieuses ont été découvertes, comme celle de Louise de Quingo, dame de Bréfeillac, noble du XVIIe siècle, décédée en 1656. Retrouvée intacte dans son sarcophage en plomb, elle a été identifiée grâce à la présence, à ses côtés, du cœur de son mari, enfermé dans une urne gravée d'une épitaphe. En toute logique, son propre cœur, prélevé chirurgicalement, se trouverait dans la sépulture de son époux. Préservée durant quatre siècles, c'est au CHU de Toulouse qu'elle a commencé à se livrer en 2015, avec, pour les chercheurs, l'espoir déçu de la découverte du premier génome de la tuberculose. avant l'apparition des antibiotiques. Décédée à plus de 60 ans, sans enfant, Louise de Quingo a probablement terminé ses jours au couvent des Catherineettes, dans les ordres. Une hypothèse corroborée par les habits de religieuses qu'elle portait au moment de son enterrement. Ces derniers sont désormais conservés au musée de Bretagne.

Au XVIIIe siècle, l'ordre des Dominicains décline et seule une vingtaine de frères subsistent dans un couvent devenu trop grand pour eux. Le bâtiment est loué à l'armée qui y loge ses troupes. A la Révolution, il se transforme en magasin militaire et tout ce qui peut rappeler la religion y est supprimé. Adieu retable, moulure, statues et hautes fenêtres. Les arcades sont murées, le bâtiment deviendra, pour finir et jusque dans les années 2000, un centre sportif de l'armée. De cette histoire militaire restent notamment les sous-bassements d'un bâtiment, construit par l'armée au XXe siècle, dégagés au milieu du jardin du Cloître. Ils comprennent quatre fondations circulaires et leur usage reste énigmatique. Preuve en est qu'il n'est pas nécessaire de remonter très loin dans le temps pour dénicher des mystères dans ce lieu chargé de 2000 ans d'histoire. C'était Ronan Lemoère. A bientôt pour un nouvel épisode de Raconte-moiRennes.